[Analyse] Loi 3DS : des améliorations techniques, mais pas de changement majeur pour la prévention de la corruption dans les collectivités territoriales

[Analyse] Loi 3DS : des améliorations techniques, mais pas de changement majeur pour la prévention de la corruption dans les collectivités territoriales

Par Kevin Gernier, chargé de plaidoyer et d’accompagnement à Transparency France et spécialiste des collectivités territoriales

Après une commission mixte paritaire conclusive, le Parlement a adopté définitivement la loi 3DS (différenciation, déconcentration, décentralisation, simplification) ce mercredi 9 février 2022.

Sans opérer de bouleversements en matière de prévention de la corruption et de transparence de la vie publique locale, cette loi introduit néanmoins plusieurs aménagements positifs.

  • Elle renforce ainsi le contrôle opéré par les collectivités territoriales sur les entreprises publiques locales (Epl), ces sociétés de droit privé dont elles sont actionnaires majoritaires ou exclusifs et qui peuvent être sources de dérives.
  • Elle exempte partiellement d’obligation de déport les élus locaux se trouvant en situation de conflit d’intérêts public / public entre les différents mandats publics qu’ils peuvent exercer. Un aménagement bienvenu qui concilie exigence d’exemplarité et bon fonctionnement des assemblées délibérantes.
  • Elle simplifie les procédures de déclaration d’intérêts et de patrimoine des agents et élus auprès de la HATVP pour éviter les lourdeurs administratives sans pour autant remettre en cause la rigueur de ces déclarations.
  • Enfin, elle corrige une lacune du répertoire des représentants d’intérêts de la HATVP en intégrant les chambres d’agriculture qui étaient jusqu’à présent exemptées de déclaration d’activité de lobbying .

Ces quelques avancées sectorielles apportées par la loi 3DS ne seront néanmoins pas suffisantes tant le défi de la lutte contre la corruption reste grand dans le secteur public local. Dans son dernier rapport d’activité, l’AFA pointait du doigt la « faible maturité des collectivités territoriales ». Pourtant la loi Sapin 2 de 2016 a donné aux collectivités territoriales des outils efficaces, tels que le plan de prévention de la corruption, pour prévenir et traiter activement le risque de corruption et ne plus attendre passivement d’éventuelles poursuites pénales. La mise en œuvre de ce plan de prévention de la corruption reste néanmoins optionnelle, et seules une minorité de collectivités territoriales l’ont mis en œuvre aujourd’hui. Il est regrettable que la loi 3DS, constatant les limites du volontarisme en la matière, n’ait pas été l’occasion de passer à la vitesse supérieure en rendant obligatoire la mise en œuvre de ce plan dans les plus grandes collectivités.

En effet, en ouvrant – modérément pour l’instant – la voie vers un plus grand pouvoir normatif local, la loi 3DS crée de nouveaux risques et rend d’autant plus nécessaire un renforcement des garde-fous contre la corruption. Sans cela, la perception qu’ont les citoyens de la corruption du secteur public français ne s’améliorera pas et persistera dans la stagnation que nous observons depuis une décennie.

POUR ALLER PLUS LOIN

Notre note d’analyse des effets de la loi 3DS sur la prévention de la corruption et la transparence de la vie publique locale.

Notre Guide de l’acteur public local

Notre note de position sur la proposition de loi du député Raphaël Gauvain.