Biens mal acquis / l’accord entre la Suisse et l’Ouzbékistan sur la restitution d’avoirs confisqués dans « l’affaire Gulnara Karimova » :  un exemple à suivre.

Biens mal acquis / l’accord entre la Suisse et l’Ouzbékistan sur la restitution d’avoirs confisqués dans « l’affaire Gulnara Karimova » : un exemple à suivre.

Les autorités suisses ont annoncé avoir signé un accord-cadre en vue de la restitution à l’Ouzbékistan d’avoirs confisqués à Gulnara Karimova, fille de l’ancien Président Ouzbek. Sont concernés 131 millions d’euros d’ores et déjà confisqués, mais également les valeurs patrimoniales qui pourraient à l’avenir être confisquées dans le cadre des procédures pénales en cours. Environ 800 millions d’euros sont actuellement bloqués par la Suisse dans le cadre de procédures pénales liées à Gulnara Karimova.

Sous l’effet du plaidoyer mené par des organisations non gouvernementales comme Transparency International ou encore Sherpa, des processus de restitution des avoirs issus de la corruption transnationale sont progressivement mis en place dans plusieurs pays, intégrant des garanties de transparence et de redevabilité ainsi qu’une inclusion de la société civile.

Par l’accord-cadre conclu avec l’Ouzbékistan, la Suisse montre l’exemple en matière de confiscation et de restitution de biens mal acquis.

Transparence et obligation de rendre des comptes dans le processus de restitution, affectation des avoirs à des projets d’intérêt général et durables, instauration d’un mécanisme de contrôle (monitoring), possibilité d’impliquer des ONG dans le pilotage de l’utilisation des fonds… Les garde-fous détaillés dans l’accord entre les deux pays, ont tous pour objet de veiller non seulement à ce que les avoirs confisqués ne risquent pas de retomber dans des circuits de corruption, mais qu’ils soient utilisés de façon à bénéficier à la population ouzbèke.

Ces principes ne sont pas sans rappeler les 5 principes pour une restitution responsable des avoirs détournés défendus par Transparency International France et Sherpa auprès des autorités françaises engagées depuis plus d’un an dans l’élaboration d’un cadre légal devant permettre de rendre les « biens mal acquis » définitivement confisqués aux populations spoliées. Ces principes de transparence, redevabilité, efficacité, solidarité, et intégrité ont d’ailleurs été repris dans la proposition de loi adoptée par le Sénat en première lecture en mai 2019, mais également dans le rapport parlementaire remis en novembre 2019 au garde des Sceaux par les députés Warsmann et Saint-Martin.

Ironie du calendrier judiciaire et signe que les autorités françaises pourraient utilement s’inspirer de l’accord signé entre la Suisse et l’Ouzbekistan : la France est actuellement engagée dans une procédure de restitution à l’Ouzbékistan d’avoirs « illégalement acquis » par Gulnara Karimova en France. Mais au modèle choisi par la Suisse, la France a pour le moment préféré des négociations à huis-clos dans le cadre d’une Comparution sur Reconnaissance Préalable de Culpabilité (CRPC), sorte de « plaider coupable », offrant malheureusement beaucoup moins des garanties d’exemplarité et de transparence.

A titre d’indemnisation, la France a ainsi restitué à l’Ouzbékistan qui s’était constitué partie civile dans le cadre de cette CRPC, une première tranche de 10 millions d’euros correspondant au produit de la vente de l’un des immeubles de Gulnara Karimova. Malgré l’importance des sommes en jeu et les soupçons sur l’implication de plusieurs haut-fonctionnaires ouzbeks dans les schémas de corruption litigieux, la France n’a fourni aucune information sur le processus de restitution tandis que les autorités ouzbeks n’ont fait qu’indiquer que ces fonds allaient être « transférés dans le budget d’Etat de l’Ouzbékistan ».