Décision du Conseil constitutionnel sur la loi ASAP / En pérennisant le régime d’urgence prévu dans le code des marchés publics, la loi ASAP va également pérenniser les risques accrus de dérives

Décision du Conseil constitutionnel sur la loi ASAP / En pérennisant le régime d’urgence prévu dans le code des marchés publics, la loi ASAP va également pérenniser les risques accrus de dérives

Vendredi 4 décembre 2020,

Le Conseil constitutionnel a rendu hier sa décision sur le projet de loi d’Accélération et de simplification de l’action publique dit Loi ASAP. Si 26 articles considérés comme des cavaliers législatifs ont été censuré par les sages, les dispositions visant à assouplir le code des marchés publics ont bien été validées, malgré les alertes de nombre d’observateurs relayées par 78 députés à l’origine d’un recours devant le Conseil constitutionnel.

Le Conseil constitutionnel a tout de même rappelé que « ces dispositions n’exonér[ai]ent pas les acheteurs publics du respect des exigences constitutionnelles d’égalité devant la commande publique et de bon usage des deniers publics ».

Le Conseil constitutionnel a donc validé l’introduction du motif d’« intérêt général » pour déroger aux obligations de publicité et d’appel d’offre, l’introduction du régime dérogatoire en cas de circonstances exceptionnelles, pour une durée maximale de 24 mois renouvelable ainsi que la hausse temporaire du seuil de dispense de publicité à 100 000 euros pour les marchés de travaux.

Les griefs soulevés par les députés dans leur saisine portant sur l’incompétence négative (délégation de pouvoir trop large accordée par le pouvoir législatif au pouvoir réglementaire), l’intelligibilité de la loi ou l’absence de lien avec l’objet du texte n’ont pas été retenus.

Ironie du calendrier, 12 heures après cette décision du Conseil constitutionnel, une enquête réalisée par la Cellule investigations de Radio France révélaient les dérives de la commande publique de matériel de protection durant la crise sanitaire du printemps 2020. Achats par l’intermédiaire de rapporteurs d’affaires douteux, prix à l’unité extrêmement variable, qualité de produit et délais de livraison aléatoires, soupçons de favoritisme… Des risques que nous dénoncions dès le mois d’avril 2020 et directement liés au recours aux marchés négociés sans publicité préalable et sans mise en concurrence que permet le motif d’« urgence impérieuse » prévu dans le code des marchés publics.

Absence de publicité préalable et de mise en concurrence… Précisément les dispositions que la Loi ASAP entend intégrer durablement dans le code des marchés publics via l’introduction du motif d’« intérêt général ».

Pour Transparency International « La Loi ASAP pérennise les exceptionnelles prévues dans le code des marchés publics. Elle va également pérenniser les risques accrus d’escroquerie, de favoritisme ou de corruption que ce recul de la transparence implique. Sous le prétexte de la simplification et de la relance, la transparence dans l’attribution de marchés publics recule. »

« Reste à savoir comment ces dispositions vont pouvoir être appliquées concrètement. En effet, , le motif d’intérêt général qui devra être défini par décret, la définition a des chances d’être fortement contrainte par le droit européen qui énumère de façon exhaustive les motifs dérogatoires possibles aux règles des marchés publics. »

« Quoi qu’il en soit, le signal envoyé est inquiétant compte tenu de la quasi disparation du contrôle de légalité. Avec une commande publique qui représente près de 90 milliards d’euros de contrats par an et qui risque de gonfler sous l’effet du plan de relance, le risque juridique potentiel est énorme et ne semble pas avoir été évalué. »

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