[Interview] Comment agir auprès des grandes instances internationales ?

[Interview] Comment agir auprès des grandes instances internationales ?

A l’occasion de son passage à Paris, nous avons interviewé Emilia Berazategui, coordinatrice du plaidoyer international au sein du secrétariat de Transparency International à Berlin.

(Traduit de l’anglais par Lise Charron, traductrice professionnelle et bénévole chez Transparency International France)

Quels sont vos interlocuteurs au niveau international ?

Nous menons un plaidoyer actif auprès des instances internationales, notamment au sein du G20, afin d’inscrire nos recommandations clefs à l’agenda et ainsi renforcer le cadre international de lutte contre l’impunité et la corruption. Depuis 2010, un groupe anti-corruption a été créé au sein du G20, avec qui nous collaborons étroitement. Transparency International fait également partie du Civil 20 ou C20, l’un des sept groupes d’engagement du G20 créé en 2013 et dédié aux organisations de la société civile à travers le monde. L’objectif de ce groupe est de créer un espace pour co-construire, à travers des processus transparents et inclusifs, des positions de haut niveau et ainsi les porter auprès des dirigeants mondiaux.

Quelles sont les dernières actions menées en direction du G20 ?

En 2018, ont eu lieu à Paris deux réunions du groupe de travail anti-corruption du G20. A l’occasion de la seconde réunion, pour la première fois dans l’histoire du G20, nous avons présenté deux déclarations conjointes avec le Business 20 ou le B20 (groupe d’action pour le secteur privé au sein du G20). La première déclaration concernait l’intégrité des États et des entreprises, un des thèmes principaux du G20 en 2018.  La deuxième enjoignait les pays du G20 à progresser dans l’application de leurs engagements anti-corruption par le développement et l’adoption de stratégies anti-corruption à l’échelle nationale. Lors de la troisième réunion, le C20, le B20 et le W20 (le Women 20 est le groupe d’action spécifique représentant les organisations de femmes), ont également présenté une déclaration conjointe sur la thématique du genre et de la corruption, interpellant le G20 sur cette problématique.

Ces réunions ont été particulièrement constructives, et, en conséquence du travail que nous avons réalisé, nombreuses de nos recommandations ont été prises en compte par le G20 et incluses dans le plan d’action anti-corruption du G20.

Comment pouvez-vous assurer que les recommandations portées seront appliquées ?

Il est vrai que les pays n’ont pas d’obligation de respecter leurs engagements et c’est là que les organisations de la société civile jouent un rôle important. C’est un des défis majeurs de notre action : s’assurer que les pays du G20 prennent la mesure de leurs engagements, les appliquent qu’ils soient tenus responsables en cas de manquement. Si le groupe de travail anti-corruption du G20 a déjà adopté 60 mesures anti-corruption, nombre d’entre elles ne sont pas appliquées à l’échelle des pays.

Le double niveau d’action de Transparency – avec un secrétariat international basé à Berlin et plus de 100 sections à travers le monde – nous permet de mener un plaidoyer coordonné et d’être plus efficace. De plus en plus, nous menons des partenariats avec d’autres organisations de la société civile pour renforcer notre impact, notamment dans le cadre du C20. Nombreuses sont les organisations, qui considèrent que la lutte contre la corruption financière est une priorité et qui réclament des changements en ce sens. Il ne s’agit donc plus seulement de TI, mais d’un nombre considérable d’ONG qui s’unissent et luttent ensemble pour obtenir des résultats. Autre exemple : en travaillant sur la lutte anti-corruption, nous pouvons engager un dialogue sur les problèmes liés au genre, afin d’identifier les thématiques communes et d’unir nos forces pour résoudre les problèmes existants (lire notre article sur le genre et la corruption).

Quels sont vos outils ?

Nous suivons de très près les engagements pris par les pays car nous voulons nous assurer qu’ils les respectent. A titre d’exemple, nous avons publié deux rapports intitulés « Just for show ? » et « G20 leaders or laggards ? » où nous analysons la mise en application des principes directeurs du G20 et la transparence sur les bénéficiaires effectifs.

Notre stratégie consiste à faire en sorte d’être présents dans les instances internationales : nous avons assisté à la première réunion du groupe de travail anti-corruption du G20 et nous participerons également au sommet du C20 qui aura lieu en avril à Tokyo. À l’occasion de ce sommet, toutes les recommandations du C20, y compris celles liées la lutte anti-corruption, seront officiellement présentées au G20. Être présents aux sommets mondiaux, c’est marquer notre vigilance et notre suivi auprès des représentants des gouvernements savent qu’ils sont exposés et écoutés. Si aucune action ne suit leur déclaration, le risque de frustration est grand chez les citoyens, particulièrement dans les pays qui accueillent ces sommets, où les investissements financiers sont importants. A travers nos campagnes, nous ne manquons pas de les mettre face à leurs responsabilités.

Quels sont les messages essentiels que vous souhaitez transmettre pour le sommet 2019 du G20 qui se tiendra au Japon ?

 Nous concentrerons nos messages sur les garanties à apporter concernant le développement de grandes infrastructures et la protection des lanceurs d’alerte qui sont nos priorités pour cette année. Aussi, nous insisterons fortement sur la mise en œuvre concrète des engagements pris jusqu’à présent par les pays sur ces deux thématiques. Enfin, nous évoquerons également les questions de genre et de corruption et proposerons aux pays des stratégies sur la manière d’aborder ces sujets.