[Communiqué] Projet de loi fraude fiscale : notre position à l’heure de l’examen à l’Assemblée

Remise en cause du Verrou de Bercy et extension de la convention judiciaire d’intérêt public : le projet de loi sur la lutte contre la fraude fiscale va dans le bon sens

Communiqué de presse – Paris, le 16 septembre 2018

Les députés entament demain, lundi 17 septembre, l’examen en séance publique du projet de loi de lutte contre la fraude fiscale. Lors de son audition à l’Assemblée nationale en juillet dernier, Transparency International France avait soutenu deux mesures importantes : une remise en cause du verrou de Bercy et l’extension de la convention judiciaire d’intérêt public (CJIP) à la fraude fiscale. L’ONG de lutte anticorruption invite les parlementaires à adopter définitivement ces deux mesures

Partout dans le monde, la lutte contre l’impunité fiscale est devenue un enjeu politique majeur. La fraude fiscale est un sujet complexe qui nécessite à la fois des compétences techniques, des leviers d’enquête, et une coordination entre administration fiscale, police et justice. Le projet de loi que les députés s’apprêtent à examiner en tient compte et va dans le bon sens.

Pour Marc-André Feffer, Président de Transparency International France : « Les citoyens attendent des avancées majeures en matière de lutte contre la fraude fiscale. Si le projet de loi contient des mesures que nous soutenons, elles doivent être accompagnées d’un renforcement des moyens de la justice, d’une volonté politique forte et d’actions coordonnées avec tous les pays concernés pour être véritablement efficaces ».

Verrou de Bercy : le statu quo n’était plus tenable

Transparency International France salue d’abord l’adoption par la commission des Finances de l’Assemblée nationale d’un projet d’amendement remettant en cause le « verrou de Bercy » pour les fraudes fiscales portant sur des montants supérieurs à 100 000€, impliquant des élus, ou en cas de récidive.

Véritable exception française, ce « verrou » conférait à l’administration fiscale le monopole du déclenchement des poursuites pénales en matière de fraude fiscale. Ce dispositif allait à l’encontre des principes de transparence, d’égalité de traitement des citoyens et de bon fonctionnement de la justice. Il était également inadapté face à la fraude fiscale internationale et à l’action en bande organisée, ainsi que dans les dossiers les plus complexes pour lesquels il était souvent difficile d’isoler la fraude fiscale d’autres délits financiers sur lesquels la Justice était saisie. Pour l’efficacité de la politique de lutte contre la fraude fiscale, le verrou de Bercy devait donc évoluer. Sa remise en cause marqueune première étape nécessaire.

La Convention Judiciaire d’Intérêt Public : un outil supplémentaire pour sanctionner les entreprises fraudeuses

L’extension à la fraude fiscale de la Convention Judiciaire d’Intérêt Public (CJIP) doit permettre à la France de rattraper son retard en s’assurant que les entreprises qui fraudent le fisc soient condamnées, coopèrent, et mettent en place des programmes de remédiation adaptés. Transparency International France avait activement plaidé en faveur de ce dispositif innovant pendant les débats relatifs à la loi Sapin 2. Rappelons de quel constat Transparency était parti pour plaider en faveur de la convention judiciaire : plus de seize années après la ratification par la France de la convention OCDE sur la corruption internationale, aucune personne morale n’avait été condamnée de manière définitive à ce titre. La quasi-immunité de fait dont bénéficiaient les entreprises françaises ne les incitait pas à se doter de dispositifs efficaces de lutte contre la corruption.

Si les conventions signées depuis un an montrent l’utilité de ce dispositif, et donc de son extension à la fraude fiscale, les conditions de recours et de sanction doivent néanmoins être précisées et renforcées :

  • Le recours à cette procédure devrait être exclu en cas de récidive ou lorsque les faits présentent une gravité exceptionnelle.
  • Elle ne devrait être possible que si l’entreprise accepte de coopérer pleinement et sincèrement à l’enquête en cours.
  • Concernant les sanctions, nous proposons également que la loi soit modifiée afin que puisse être prononcée la confiscation/restitution des profits illicites en sus de l’amende (qui vient sanctionner le comportement) et de l’indemnisation des victimes.

Transparency International France avait ainsi émis des réserves sur la signature de la première convention judiciaire en novembre 2017, et restera attentive à la bonne application de cette nouvelle procédure dans le temps.

Contact presse

Anne Boisse
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