EN BREF
Aujourd’hui, 200 milliards de dollars par an de pots-de-vin sont versés par des entreprises peu scrupuleuses pour conclure des marchés à l’étranger. Infrastructures de mauvaise qualité, services publics élémentaires dégradés, non-respect des normes environnementales : les populations des pays touchés en sont les premières victimes. En 15 ans, la France n’a prononcé qu’une condamnation pénale pour des faits de corruption d’agent public étranger alors que l’Allemagne, la Grande-Bretagne, les États-Unis ou encore la Suisse ont déjà conclu de très nombreux dossiers. Le point commun entre tous ces pays ? Le recours à la transaction pénale, moyen le plus efficace pour permettre à la France de rattraper son retard dans la lutte contre la corruption internationale selon Transparency France.
Complexité des infractions financières, manque de moyens, lenteur des procédures, la justice française peine à réunir les preuves de la corruption. Les rares procédures menées à termes aboutissent à des acquittements (cf. affaire Safran). Cette impunité de fait ne protège pas pour autant les entreprises françaises qui sont poursuivies par les tribunaux étrangers (voir l’amende record payée par Alstom aux Etats-Unis en 2014).
SE DOTER DE MOYENS QUI ONT FAIT LEUR PREUVE
Les pays étrangers l’ont compris, il faut réagir vite, sévèrement et efficacement. Selon l’OCDE, 69% des affaires de corruption transnationale [1] ont été résolues via la transaction pénale dont les avantages se mesurent en termes : d’économies – Faire supporter le coût des enquêtes aux entreprises elles-mêmes et répondre au problème du manque de moyens – d’efficacité – Éviter que les décisions de justice ne soient rendues 10 ans après les faits, comme c’est le cas aujourd’hui, alors que les responsables ont généralement quitté l’entreprise – de prévention – Imposer aux entreprises des programmes internes de lutte contre la corruption pour prévenir la récidive. Plusieurs de nos voisins européens – Allemagne, Grande-Bretagne, Pays-Bas ou Suisse – prévoient la possibilité de recourir à la transaction pénale dans les affaires de corruption. Pourquoi ne pas suivre cette voie alors même que ce mécanisme existe déjà en droit français pour d’autres formes de délinquances telles que les infractions environnementales ?
LA TRANSACTION PENALE OUI, MAIS SOUS CERTAINES CONDITIONS
- Une transaction transparente rendue publique et faisant l’objet d’un communiqué de presse
- Un magistrat présent à tous les stades de la procédure
- Des droits de la défense respectés
- Des victimes prises en compte et indemnisées
LA TRANSACTION PÉNALE N’A RIEN D’UN CADEAU POUR LES ENTREPRISES DES LORS QUE SONT PRÉVUS :
- Un impératif de coopération ou de révélation spontanée des faits pour que les entreprises bénéficient de cette procédure
- Des sanctions financières dissuasives
- Des poursuites au pénal des personnes responsables
- L’imposition d’un programme anti-corruption et d’un superviseur indépendant externe
MAIS PERMETTRAIT A LA FRANCE DE :
- Respecter enfin ses engagements internationaux de lutte contre la corruption d’agents publics étrangers
- Retrouver sa souveraineté judiciaire dans ce domaine et protéger ainsi les entreprises françaises du risque d’espionnage industriel qui pourrait être opéré via les autorités de poursuite étrangères
PASSEZ A l’ACTION
La France doit rattraper son retard pour lutter contre la corruption des entreprises dans le commerce international. Le projet de loi dit Sapin II annoncé devant le parlement en avril 2016 devrait proposer une disposition sur la justice transactionnelle. Veillons à ce que cette mesure soit adoptée avec toutes les garanties nécessaires à son efficacité.
[1] http://www.oecd.org/daf/anti-bribery/Working-Group-on-Bribery-Enforcement-Data-2014.pdf