Transparence des lobbies : ce décret du gouvernement qui risque d’affaiblir la loi – Entretien avec Elsa Foucraut (Marianne, 07/03/2017)
Propos recueillis par Étienne Girard
Marianne : Une première version du décret d’application de la loi Sapin II, qui entérinera la création d’un registre numérique des lobbyistes auprès de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), a récemment fuité dans la presse. Son contenu vous inquiète. Pourquoi ?
Nous espérons que la position de l’exécutif va évoluer avant la publication du décret car cette première version affaiblit
l’esprit de la loi. Les représentants d’intérêts n’auraient à inscrire sur le registre ni leurs positions publiques, ni le nom des parlementaires rencontrés, ni la date de ces rencontres. Ces informations ne seraient publiées qu’une fois par an. Le risque est d’aboutir à un simple annuaire et c’est ce que nous voulons éviter.
En quoi est-ce si problématique ?
La loi Sapin II a été votée pour que les citoyens puissent comprendre le cheminement de la décision publique, avec davantage de transparence. A cette fin, il est indispensable de connaître la position des représentants d’intérêts et l’identité des parlementaires qu’ils rencontrent : s’il s’agit du rapporteur d’un projet de loi, ce n’est pas la même chose que s’il s’agit d’un parlementaire qui a moins de responsabilités. Enfin, il faut connaître la date de ces rencontres pour avoir une indication sur l’éventuelle influence d’une rencontre sur un amendement ou un article de loi voté…
Pourquoi cette disposition suscite-elle autant de résistances ?
Un certain nombre de représentants d’intérêts continuent à considérer que le lobbying est d’autant plus efficace qu’il se pratique de manière opaque et peu régulée. Ce n’est pas du tout notre conception. Nous estimons que le lobbying est un rouage naturel de la démocratie, à condition qu’il soit exercé avec transparence et probité. Si on opère de manière éthique, on n’a pas à avoir peur de ce registre. A Transparency, nous publions d’ailleurs l’agenda de nos rencontres avec les élus.
Après l’affaire Cahuzac, François Hollande a pris des engagements forts en matière de transparence. Estimez-vous le contrat rempli ?
Nous avons salué le bilan globalement satisfaisant du quinquennat, marqué par de vraies avancées, comme la création de la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique et la mise en place d’un statut des lanceurs d’alerte. Mais il reste des marges d’amélioration importantes. Nous avons d’ailleurs récemment demandé aux candidats à la présidentielle de se prononcer en faveur d’un certain nombre de mesures, de la transparence des financements politiques à l’indépendance de la justice, en passant par la participation citoyenne et le non-cumul des
mandats.