Elections européennes: Transparency International appelle les candidats à s’engager pour l’éthique et l’Etat de droit.
La corruption est un obstacle majeur à la réalisation de la vision originelle d’une Union fondée sur l’Etat de droit, la démocratie et la justice sociale. Elle nuit à l’innovation, au développement économique et à la confiance des citoyens envers les institutions. Plus encore, elle renforce les inégalités qui divisent les citoyens européens aujourd’hui. Certes, l’Union européenne a mené ces dernières années des réformes significatives contre la corruption, mais ces avancées sont encore fragiles et réversibles. Plusieurs scandales récents – Danske Bank, Visas Dorés, Troika Laundromat- en témoignent. La transition vers une société plus juste et plus durable passe par l’éradication de la corruption.
Alors que l’Etat de droit est menacé aux portes de l’Europe et dans certains Etats membres, les élections européennes de mai 2019 doivent être l’occasion d’un véritable sursaut démocratique. Fort de 25 années d’expérience dans la lutte anti corruption, Transparency International appelle les candidat/es à se positionner sur l’ensemble des propositions, ambitieuses mais réalistes, détaillées ci-après et à s’engager pour protéger l’Etat de droit, faire de l’Union un espace où la corruption n’est plus tolérée, et améliorer la transparence des institutions européennes.
Défendons l’intégrité et l’Etat de droit
Transparency International appelle les candidats aux élections européenne à s’engager en faveur des propositions suivantes, à les intégrer dans leurs programmes, et à en tenir compte dans le choix du futur Président de la Commission et des futurs commissaires européens :
Ces dernières années, l’État de droit1 a connu une érosion constante et inquiétante au sein de l’UE. Plusieurs Etats membres ont pris des mesures visant à remettre en cause l’indépendance du système judiciaire, et à fragiliser la société civile. Plus choquant encore, deux courageux journalistes2 ont été assassinés après avoir enquêté sur des affaires de corruption. Dans ce contexte, il est nécessaire que la Commission européenne prenne des mesures immédiates et à la hauteur des défis auxquels elle est actuellement confrontée, afin de rétablir l’Etat de droit partout sur le territoire européen et de garantir que les principes et valeurs de l’Union soient véritablement respectés. Pour ce faire, la Commission doit tout d’abord mettre en place un système d’évaluation du respect de l’Etat de droit par les pays membres, qui inclurait notamment des procédures d’évaluation des risques pour tous les États membres sur la base d’indicateurs tels que les niveaux de corruption, l’indépendance de la justice ou le respect de la liberté de la presse et de la liberté d’association. Un tel système de prévention et de contrôle devrait s’accompagner d’un mécanisme de sanction fort, au cas où les États membres ne respecteraient pas leurs obligations en la matière. La Commission doit notamment disposer de pouvoirs accrus lui permettant de suspendre la mise à disposition de fonds européens lorsque les États témoignent de défaillances en la matière. Enfin, l’UE devrait contribuer à davantage protéger les défenseurs des droits humains et de l’État de droit, ainsi que les journalistes, en mettant en place une législation solide de protection des lanceurs d’alerte et en veillant à ce que les organisations de la société civile et les médias disposent des ressources nécessaires à la promotion de la démocratie.
Concrètement, l’Union européenne devrait prendre les mesures suivantes :
- Publier, via la Commission, des évaluations régulières concernant les risques de corruption dans les Etats membres, sur la base desquelles pourraient être enclenchés des mécanismes de sanction ;
- Veiller à ce que la Commission ait le pouvoir de suspendre les financements européens en cas de corruption ou de violations persistantes et graves de l’Etat de droit ;
- Œuvrer activement à ce qu’un accord politique ambitieux soit trouvé concernant la directive relative à la protection des lanceurs d’alerte ;
- Veiller à ce que les dispositions relatives à la protection des lanceurs d’alerte, dans la directive Secret des affaires et ses transpositions nationales, soient conformes aux principes internationaux de Transparency
2 Daphne Caruana Galizia, journaliste maltaise, et Jan Kuciak, journaliste slovaque.
La 5ème directive sur le blanchiment de capitaux, récemment adoptée, a constitué un grand pas en avant pour renforcer la lutte contre le blanchiment de capitaux dans l’UE. Malheureusement, quand une voie d’accès est barrée, les criminels et les corrompus en cherchent une autre. Ainsi, la vente de citoyenneté et de droit de résidence- mieux connue sous le nom du système des« Visas Dorés » – est devenue une entreprise florissante au sein de l’UE ; c’est aussi devenu un moyen facile d’entrer dans l’UE pour les personnes corrompues et leur argent sale. Les politiques conduites par certains Etats ayant des implications pour l’ensemble du territoire européen, Transparency International demande à l’UE d’agir, en évaluant les risques et en renforçant les obligations de diligence raisonnable dans les programmes de visas dorés. Transparency appelle également à l’adoption d’une législation européenne comparable à la Loi Magnitsky aux Etats-Unis, qui empêcherait les auteurs de violations des droits humains ainsi que les décideurs et fonctionnaires publics corrompus du monde entier de pénétrer et de circuler sur le territoire européen. Elle permettrait aussi le gel de leurs avoirs situés dans l’UE.
Concrètement, l’Union européenne devrait prendre les mesures suivantes :
- Renforcer les normes européennes pour mieux encadrer le fonctionnement des programmes de Visas Dorés ;
- Mettre en place des registres publics des bénéficiaires effectifs ;
- Réviser la directive sur la confiscation des avoirs d’origine criminelle.
Nous avons été témoins, ces dernières années, de problèmes liés à l’absence d’autorité indépendante en matière d’éthique. Les affaires de pantouflage d’anciens membres de la Commission ou d’anciens fonctionnaires communautaires sont supervisées par les commissaires en exercice. Les questions d’éthique concernant les activités annexes des députés européens sont contrôlées par ces mêmes députés. Cette situation doit évoluer. Nous demandons la création d’un organe européen indépendant, doté de ressources suffisantes pour superviser les conflits d’intérêts, le pantouflage et la transparence du lobbying touchant toutes les institutions européennes, de la même manière qu’il existe en France une Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique et une Commission de Déontologie. L’Office européen de lutte antifraude (OLAF) pourrait, par exemple, être habilité à exercer cette fonction.
Un tel organe, doté de moyens suffisants, s’occuperait de :
- Publier en temps utile toutes les informations collectées sur l’intégrité et l’éthique concernant les eurodéputés, les commissaires et les fonctionnaires de l’UE dans un format de données ouvertes ;
- Prévenir les conflits d’intérêts ;
- Emettre des recommandations contraignantes à l’intention des commissaires et des députés européens.
Dans l’intérêt de l’accessibilité et de la transparence du processus législatif de l’UE, Transparency appelle notamment le Conseil de l’Union européenne à veiller à ce que les positions des États membres lors des négociations communautaires soient rendues publiques.
Appelons les candidats à s’engager individuellement à être exemplaires
Outre un plaidoyer général en faveur d’une Europe exempte de corruption, les sections européennes de Transparency International appellent les futurs députés européens à s’engager individuellement à être eux-mêmes exemplaires dans l’exercice de leur futur mandat :
- Faire preuve de transparence et d’éthique dans le cadre de leurs activités parlementaires : faire la transparence sur l’utilisation de leurs frais de mandat, n’accepter de rencontrer que des lobbyistes enregistrés sur le répertoire européen des représentants d’intérêts, et rendre public régulièrement l’agenda de leurs rencontres avec des représentants d’intérêts.
- Respecter une période de carence après leur départ du Parlement européen : ne pas exercer de fonctions de lobbying pendant toute la durée pour laquelle ils touchent des indemnités de transition.
- Soutenir la création d’une autorité indépendante de prévention et de contrôle des conflits d’intérêts, du pantouflage, et du respect des règles encadrant le lobbying (sur le modèle français avec la HATVP).
Pour recueillir les engagements individuels des candidats, Transparency International met à leur disposition une plateforme en ligne à renseigner au plus tard le 10 mai prochain. Transparency France publiera le bilan des candidats s’étant engagés à respecter ces principes le mercredi 15 mai.