COVID-19 / Contre la crise sanitaire, plus de transparence et de démocratie
Communiqué commun des sections française, italienne et espagnole de Transparency International
Mardi 7 avril 2020
La crise sanitaire que nous traversons s’impose à nous, et nous impose de réagir dans l’urgence. Prendre en charge et administrer des soins au plus grand nombre au plus vite, palier le ralentissement économique, réorganiser le mode de vie et de production de toute une société : autant de bouleversements survenus au rythme effréné de l’urgence dicté par la nécessité de circonscrire la propagation de l’épidémie de Covid-19.
Du fait même de cette urgence qui s’impose à nous, notre vigilance doit être renforcée.
Il n’appartient pas à une organisation représentative de la société civile comme Transparency International de commenter la gestion de la crise, mais en revanche son rôle est bien d’alerter, pour éviter qu’en vertu de « l’urgence à agir », soient négligés les nécessaires principes de redevabilité, de transparence, d’éthique.
Parce qu’en période de pénurie il est à craindre un accaparement des produits de première nécessité, le risque accru de corruption doit nous tenir en alerte,
Parce les gouvernements s’apprêtent à mobiliser des soutiens financiers sans précédent, il est essentiel de veiller à leur juste attribution,
Parce que les états d’urgence décrétés pour renforcer le pouvoir des exécutifs nationaux en réponse à la crise sanitaire, sont autant de risques de recul des libertés et de la démocratie s’ils ne sont pas étroitement limités dans le temps et proportionnés au but visé,
Transparency International rappelle aux Gouvernements et décideurs publics, l’exigence de transparence, d’intégrité, et de redevabilité envers les citoyens.
Dans la période, l’« état d’urgence sanitaire » déclaré conduit à une concentration des pouvoirs détenus par le Gouvernement au détriment du Parlement. Si cette décision s’explique par la nécessité d’agir et de décider au plus vite, il revient à des vigies, comme TI et d’autres organisations de la société civile, de veiller à ce que ces pouvoirs soient exercés dans le strict respect du périmètre d’intervention fixé et que persiste un contrôle de l’action publique. En effet, en aucun cas un régime d’exception ne doit risquer de devenir la règle. Aussi les mesures relevant de l’état d’urgence sanitaire doivent rester exceptionnelles, être strictement proportionnées et limitées dans le temps. Aussi, le Parlement doit il être de façon rigoureuse tenu informé en temps réel et exercer ses pouvoirs de contrôle sur l’action publique.
Une exigence démocratique et éthique forte pèse ainsi sur l’Exécutif. Mais l’exigence va au-delà : le citoyen nourrit une autre attente légitime : être informé.
Pour Transparency International, l’exigence de transparence n’est pas une fin en soi, mais un moyen, un outil, au service des citoyens pour que ces derniers entendent les motivations qui ont guidé les prises de décisions publiques. C’est cet objectif que poursuivent plusieurs parlementaires qui ont l’intention de conduire, le moment venu, des commissions d’enquête afin de porter un regard critique certes, mais par-dessus tout constructif, pour tirer tous les enseignements apportés par cette situation sans précédent.
Cette crise a également souligné un regrettable manque de maturité en matière d’accès aux données, en open data. En effet, les données ont rarement autant été au centre de la gestion d’une crise (nombre de cas positifs, d’hospitalisation, de masques disponibles…), pourtant la mise en œuvre d’une véritable politique de transparence et d’open data par le gouvernement français a pris du temps.
Par ailleurs, l’exigence de transparence s’impose également pour les décisions d’affectation des budgets qui seront alloués par le Gouvernement notamment à des entreprises, au gré de marchés publics passés dans l’urgence, et sous l’influence de divers de lobbys. La transparence vis à vis des citoyens sera également nécessaire à l’égard des mesures prises par l’Etat pour amorcer la relance économique à l’issue de cette crise. Il est essentiel en effet que les mécanismes présidant au choix de tel ou tel investissement soient intelligibles et respectent les principes applicables en la matière, dans des délais contraints par l’urgence. Il n’est pas imaginable que l’argent destiné tant à la lutte contre le virus qu’à la relance de l’économie risque d’être dévoyé.
À cet égard, la crise offre aux gouvernements et aux autorités locales la possibilité de redoubler d’efforts pour améliorer la publication proactive de données et d’informations, conformément aux normes internationales les plus strictes telles que le Standard de Données sur la Commande Publique Ouverte (OCDS). Le renforcement des bonnes pratiques en matière transparence et d’ouverture de données peut être un héritage positif de cette période difficile.
Enfin, les procédures d’exception ne doivent pas conduire à négliger l’éthique et la probité dans l’attribution de marchés publics et d’aides publiques. La vigilance de l’Etat devra en particulier se concentrer sur le secteur économique de la santé et faire la transparence sur les aides publiques qui lui seront accordées et l’usage qui en aura été fait. Les crises sont également propices au développement de nouvelles formes de délinquance contre lesquelles il est nécessaire de lutter fermement Aussi des garanties en matière de lutte contre la corruption doivent tout particulièrement être prises.
Ainsi, si cette crise sanitaire devait marquer un changement culturel majeur, sans doute doit-il être celui d’une nécessaire probité de l’action publique et donc de notre gouvernance, rendue pleinement lisible et évidente aux citoyens.