[Rapport] Pour un meilleur encadrement du lobbying

Le lobbying doit encore être mieux encadré pour rester au cœur de la démocratie sans la menacer

Le lobbying au cœur de la démocratie

Le lobbying représente le fait pour une entité d’intervenir directement ou indirectement auprès des responsables publics, par différents moyens, en vue d’influencer une décision publique dans un sens qui sert des intérêts particuliers, des valeurs ou une cause. Qu’on parle de « lobbying », de « représentation d’intérêts » ou de « plaidoyer », on peut identifier derrière chacun de ces termes une multitude d’acteurs qui s’y emploient : entreprises, organisations professionnelles, syndicats, associations, cultes, acteurs publics, etc. Certains défendent des intérêts particuliers, d’autres des causes, des valeurs ou une vision particulière de l’intérêt
général. Ces pratiques se professionnalisent et jouent un rôle croissant dans l’élaboration de la décision publique. Les organisations y consacrent du temps et des budgets importants.

Lorsqu’il est conduit avec intégrité et que son usage est rendu clair et transparent, le lobbying peut jouer un rôle positif : il contribue à ce que les décideurs publics prennent leurs décisions en ayant pleinement conscience des analyses et opinions de toutes les composantes de la société. Ceux qui font la loi ont besoin d’échanger avec ceux qui la vivent au quotidien.

A contrario, un lobbying non régulé peut entraîner des abus, dont il peut résulter que le processus démocratique se retrouve accaparé – ou semble l’être – par une minorité. Chaque scandale réduit la confiance dans nos institutions et distille l’idée que les responsables publics seraient manipulés ou sous influence. L’encadrement des relations entre décideurs publics et représentants d’intérêts constitue donc un enjeu démocratique majeur : les citoyens doivent pouvoir comprendre comment se nouent les relations entre les représentants d’intérêts et les décideurs publics et ils doivent disposer des moyens de retracer comment s’élaborent et se négocient les décisions qui sont prises en leur nom par leurs représentants. En bref, ils devraient avoir les clés nécessaires permettant de répondre à la question : dans une démocratie, comment est fabriquée la loi ? C’est ce que l’on appelle l’empreinte normative.

Malgré la loi Sapin 2, l’encadrement du lobbying reste encore insuffisant

Depuis juillet 2017, il existe en France un répertoire des représentants d’intérêts, hébergé sur le site de la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique (HATVP). Créé par la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (loi dite « Sapin 2 »), ce répertoire ne fournit pas, en l’état, suffisamment de données utiles.

Premier écueil : les obligations ne pèsent que sur les représentants d’intérêts. Les responsables publics ne sont, quant à eux, soumis à aucune obligation de transparence dans leurs contacts avec les lobbies, alors que ce sont eux qui in fine arbitrent et prennent les décisions après les avoir entendus.

Le décret d’application a par ailleurs largement vidé le registre de sa portée. Certains acteurs (associations d’élus, associations cultuelles, personnes morales de droit public, syndicats) sont partiellement ou totalement exemptés de l’obligation d’y figurer. La fréquence des déclarations est annuelle, ce qui est insuffisant car trop éloigné du rythme politique. Les représentants d’intérêts n’ont pas à publier le détail des positions qu’ils défendent auprès des pouvoirs publics. Les activités de lobbying ne sont pas rattachées clairement aux décisions publiques ciblées. L’identité des responsables publics visés n’est pas précisée et les lobbyistes ne sont pas tenus de renseigner les actions qu’ils entreprennent en direction de certains responsables publics (Président de la République, Conseil d’Etat, Conseil Constitutionnel). De manière générale, le décret est construit autour de seuils complexes, qui le rendent peu lisible et chronophage pour les acteurs, tout en créant des distorsions. Enfin, les moyens alloués à la HATVP pour effectuer les contrôles sont encore incertains.

Comprendre le lobbying pour mieux l’encadrer

A rebours des idées reçues, ce rapport propose de plonger dans la réalité du lobbying : qui sont les lobbyistes ? Comment travaillent-ils ? Avec quels moyens ?

Le lobbying s’opère à chaque étape de la décision publique, depuis très en amont (communication d’influence pour mettre un sujet à l’agenda, stratégies visant à influencer le contenu des programmes au moment d’une campagne) jusque très en aval (lobbying sur le contenu des décrets d’application, auprès du Conseil constitutionnel). Ces jeux d’influence sont complexes, parfois imperceptibles, plus ou moins faciles à appréhender, plus ou moins opaques, plus ou moins problématiques. Ils reflètent l’état des rapports de force et des clivages qui traversent la société et que les élections n’ont pas suffi à trancher. Ils témoignent de la porosité de la
sphère politique. C’est en dépassant les stéréotypes et en cherchant vraiment à comprendre le lobbying qu’on pourra le réguler efficacement. Transparency International France propose de réguler le lobbying autour de trois principes : transparence, intégrité, équité d’accès. Nos recommandations visent à renforcer le cadre légal, mais aussi à mobiliser les acteurs – représentants d’intérêts, responsables publics, citoyens. Ce rapport entend également contribuer à créer les conditions d’une vigilance citoyenne.