Transparence fiscale : la France se fait le porte-parole du MEDEF

Réactive : Transparence fiscale : la France se fait le porte-parole du MEDEF

Paris, le 23 avril 2021.

Alors qu’une mesure historique contre l’évasion fiscale – en négociation dans le cadre d’une directive européenne – est à portée de mains, Contexte vient de révéler que la France diffuse un document rédigé en partie par le MEDEF comme document de position française. Ces positions participent d’un travail de sape que la France mène en coulisse pour amoindrir toute chance d’adoption d’un texte efficace, en endossant sans filtre les demandes du premier lobby d’entreprises françaises : garantir la possibilité d’une exemption de publier des informations pendant six ans, et la limitation géographique du reporting, ce qui en annihilerait l’efficacité.

Réactive : Transparence fiscale : la France se fait le porte-parole du MEDEF

La transparence fiscale est pourtant une mesure essentielle pour déceler les montages d’évasion fiscale des entreprises multinationales, et la France s’est plusieurs fois prononcée en faveur d’une mesure européenne. Nos organisations appellent le gouvernement à cesser ce double jeu : il doit défendre cette mesure d’intérêt général plutôt que de se faire le porte-parole des demandes des multinationales qui cherchent à freiner la lutte contre l’évasion fiscale.

« Ces révélations indiquent que le MEDEF a activement participé à la rédaction d’un document de position français : c’est tout simplement choquant, et très inquiétant. Le reporting pays par pays public est une mesure majeure contre l’évasion fiscale, qui permettrait aux journalistes, aux décideurs-euses et aux citoyens et citoyennes dans leur ensemble de connaître le montant des impôts payés réellement par les multinationales. Officiellement soutien de la mesure, l’attitude de la France était de plus en plus ambiguë dans les négociations de cette directive, cherchant à amoindrir le texte, quitte à le rendre inopérant : on comprend maintenant qu’elle a construit sa stratégie en lien avec des grands groupes. Personne n’a intérêt à vider la mesure de sa substance, sauf les multinationales qui voudraient continuer à dissimuler leurs pratiques d’évasion fiscale : c’est incompréhensible que la France se fasse leur porte-parole, plutôt que de défendre une mesure efficace contre l’évasion fiscale » explique Lison REHBINDER, chargée de plaidoyer au CCFD-Terre Solidaire.

« Le reporting pays par pays public est une mesure simple, déjà appliquée par les banques européennes depuis 2014, grâce à l’impulsion française. De nombreuses multinationales appliquent volontairement cette transparence, plébiscitée également par des investisseurs. Les positions du MEDEF reprises officiellement par la France sont fallacieuses et éculées, et pourraient vider la mesure de toute efficacité. Sous couvert de défendre une directive « équilibrée », la France pourrait faire dérailler les négociations en affirmant ces positions comme lignes rouges. L’évasion fiscale est un fléau qui coûte des milliards d’euros aux Etats chaque année : nous appelons le gouvernement à clarifier sans tarder sa position et à reprendre le leadership de lutte contre l’évasion fiscale ! » ajoute Quentin PARRINELLO, porte-parole d’Oxfam France.

« La transparence fiscale est une mesure essentielle, pour déceler les stratégies d’évitement fiscal des entreprises multinationales qui vont jusqu’à des montages d’évasion fiscale, et imposer aux grandes entreprises comme les GAFA la même transparence qu’aux banques. La France doit sérieusement évoluer sur sa position et sur sa stratégie. Le signal envoyé ici constitue un recul sans précédent dans la position de la France » conclut Sara BRIMBEUF, responsable de plaidoyer flux financiers illicites à Transparency International France.

Contacts presse :

CCFD-Terre Solidaire : Laurine Gatefait, Chargée de communication influence, l.gatefait@ccfd-terresolidaire.org ; – 06 04 49 36 44
Oxfam France : Pauline Leclere, pleclere@oxfamfrance.org – 07 69 17 49 63
Transparency International France : Benjamin Guy, Responsable de la communication, benjamin.guy@transparency-france.org – 06 38 36 23 68

Notes aux rédactions :

- L’article publié dans Contexte aujourd’hui : https://www.contexte.com/pouvoirs/briefing/2021/04/23/

– Le reporting pays par pays public est une mesure simple, qui obligerait les entreprises multinationales à publier des informations clés sur les impôts qu’elles payent et leurs activités, dans tous les pays où elles sont présentes. Cette mesure est un outil majeur contre l’évasion fiscale des multinationales : elle permettrait de déceler les montages artificiels vers les paradis fiscaux.

- Les grandes banques européennes mettent déjà en œuvre un reporting public depuis 2014, dans le cadre d’une directive adoptée notamment grâce à l’impulsion de la France.

- Suite aux révélations des LuxLeaks, la Commission européenne a proposé en 2016 un texte de directive sur le reporting pays par pays public étendu aux grandes entreprises de tous les secteurs. Le Conseil a adopté une position sur le texte en février dernier, mettant fin à quatre ans de blocage, et les négociations en trilogue – entre le Conseil, le Parlement et la Commission – ont débuté dans la foulée en vue de l’adoption du texte.

- Les négociations en trilogue vont notamment concerner certains points précis du texte :

Portée géographique et « désagrégation »
Le Parlement propose que la directive couvre les activités des multinationales dans chacun des pays où elles opèrent, ce qui est le principe même de cette mesure. Le Conseil souhaite qu’elle couvre seulement les activités pays par pays dans les pays européens et ceux de la liste noire des paradis fiscaux, et de manière agrégée pour tous les autres pays : cela rendra impossible de suivre réellement les montages, alors même qu’une seule filiale suffit pour faire de l’évasion fiscale.
La France insiste sur la position du Conseil sur la base d’arguments éculés et habituels des lobbys des grands groupes privés : le reporting public est bien compatible avec le reporting non public du plan BEPS de l’OCDE, que les lobbys essayaient déjà d’amoindrir lors de sa négociation, et a bien pour objectif de donner des informations aux autorités publiques de tous les pays d’activité des multinationales.

Clause d’échappatoire
Le Parlement avait introduit une clause d’échappatoire, permettant aux multinationales de ne pas reporter des informations qu’elles estiment commercialement sensibles. Cette disposition est problématique puisqu’elle permettrait à des entreprises de décider de se soumettre ou non au texte, mais avait pour objectif de rassurer sur l’extension géographique à tous les pays du monde.
Le Conseil souhaite maintenir cette clause d’échappatoire, permettant aux multinationales de reporter leurs informations avec un délai de 6 ans, sans étendre le champ géographique, et la France est identifiée comme le pays qui défend le plus cette disposition, insistant sur le caractère sensible des informations diffusées.
Pourtant, les informations publiées dans le cadre du reporting pays par pays public sont des informations simples, déjà publiées dans différentes bases de données séparées. Les banques européennes publient déjà ces données, et de plus en plus de grandes multinationales les publient volontairement.

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