DE LA COMPLIANCE A L’ENGAGEMENT – UN DEFI MAJEUR POUR LES ACTEURS DE LA LUTTE ANTI-CORRUPTION EN FRANCE

DE LA COMPLIANCE A L’ENGAGEMENT – UN DEFI MAJEUR POUR LES ACTEURS DE LA LUTTE ANTI-CORRUPTION EN FRANCE

Publié le 12 octobre 2020

Par Sara Brimbeuf, responsable du plaidoyer international chez Transparency International

Par Laurence Fabre, responsable du secteur privé chez Transparency International

Le 9 déc. 20216, la France adoptait pour la première fois une loi qui contraint les grandes entreprises françaises à se doter d’un plan de prévention de la corruption, crée dans la foulée l’Agence Française Anticorruption (« AFA ») et, s’inspirant des procédures anglo-saxonnes, instaure une justice transactionnelle pour les infractions d’atteinte à la probité, à travers la Convention Judiciaire d’Intérêt Public (« CJIP »). En outre, la loi dite Sapin 2 reconnait le statut juridique du lanceur d’alerte et organise sa protection contre des représailles éventuelles, ce volet de la loi représentant une avancée sans précédent sur le sujet.

Rappelons qu’en 2014, le Groupe de Travail de l’OCDE sur la corruption demandait à la France de persévérer dans la poursuite de l’infraction de corruption d’agent public étranger/ L’OCDE soulignait la faible proactivité des autorités françaises dans ces affaires impliquant des entreprises françaises pour des faits avérés ou présumés de corruption commis à l’étranger. Ce rappel à l’ordre avait encouragé l’adoption par la France de la loi Sapin 2.

Aux termes de ces quatre années, il est incontestable que la répression de la corruption a marqué de nets progrès. En effet, non seulement 11 CJIP ont été conclues, dont trois pour des faits de corruption d’agent public étranger. Mais, en outre, une coopération internationale a pu se mettre en œuvre entre le parquet français et ses homologues étrangers, notamment aux Etats-Unis en vue d’une répression coordonnée de la corruption transnationale. De plus, le montant des sanctions prononcées est sans équivalant par rapport à celles prononcées jusqu’alors, dans des délais de poursuites particulièrement brefs.

Toutefois, si l’on se place au-delà de la contrainte règlementaire pour évaluer les progrès accomplis sous l’angle de l’engagement des acteurs, force est de constater qu’aucune entreprise n’a elle-même dénoncé les faits de corruption dont elle pouvait être affectée, de même qu’aucun lanceur d’alerte ne s’est senti suffisamment protégé pour être à l’origine des grands scandales de corruption de ces dernières années en France.

Cela doit nous interroger sur les faiblesses de nos dispositifs, lesquels ne constituent pas un une avancée suffisante pour imposer une véritable culture de l’intégrité. Ce constat est d’ailleurs partagé par l’AFA aux termes de son dernier bilan, soulignant que l’engagement au plus haut niveau du top management des grands acteurs économiques faisait encore défaut sur ces sujets. Préférer à la logique de conformité, un véritable engagement des acteurs en faveur d’un business ethic, tels sont les enjeux que nos futurs dispositifs règlementaires devront promouvoir.

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