Circulaire en date du 13 août 2024 : quelles avancées pour la lutte contre la corruption ?

Le 13 août 2024 a été publiée au journal officiel la circulaire visant à présenter aux services administratifs et judiciaires la loi du 24 juin 2024 améliorant l’efficacité des dispositifs de saisie et de confiscation des avoirs criminels. Cette loi s’inscrit dans le prolongement de plusieurs réformes, dont la loi « Warsmann » du 9 juillet 2010, ayant permis à la France de se doter d’un dispositif désormais robuste en matière de saisie, confiscation et gestion des avoirs criminels.

La circulaire explicite trois volets de la loi :

  1. le renforcement du dispositif de saisie et de confiscation,
  2. la rationalisation de la gestion des biens saisis et confisqués
  3. et l’amélioration de l’indemnisation des victimes.

Rappelons que Transparency International France mène un plaidoyer actif sur la saisie et la confiscation des avoirs criminels et avait proposé dans le cadre des travaux législatifs une série d’amendements visant à renforcer les droits des victimes.

En outre, dans sa contribution aux travaux de la commission d’enquête sénatoriale sur le narcotrafic, Transparency International France avait rappelé le nécessaire renforcement de la politique pénale en matière de confiscation et de saisie.


Désormais, l’article 13 de la loi du 24 juin 2024 prévoit que la confiscation de l’entier patrimoine est étendue aux infractions de corruption et de trafic d’influence actifs et passifs punies de dix ans d’emprisonnement.

Cette mesure traduit incontestablement la volonté du législateur de s’attaquer à la criminalité organisée par les infractions économiques et financières en punissant le délinquant sur son patrimoine.

En outre l’article 16 rend désormais obligatoire la confiscation des biens préalablement saisis au cours de la procédure, et qui sont le produit, l’objet ou l’instrument de l’infraction. En France, environ 30% seulement des biens saisis provisoirement sont confisqués définitivement. Cette nouvelle mesure, devra donc permettre d’augmenter considérablement le pourcentage de confiscations définitives et de lutter plus efficacement contre la criminalité organisée.


Pour la première fois, la remise des biens saisis entre désormais dans le champ de la CJIP, c’est-à-dire dans le cadre de la négociation entre le Parquet et l’entreprise.

L’article 6 prévoit en effet que, dans le cadre d’une Convention judiciaire d’intérêt public (CJIP), le procureur de la République peut proposer à une personne morale de se dessaisir au profit de l’Etat de tout ou partie des biens saisis dans le cadre de la procédure. Cet article s’applique également aux infractions commises avant l’entrée en vigueur de la loi.

Concrètement, il conviendra d’observer dans quelles circonstances la mesure peut être utilisée et comment une telle remise de biens saisis pourra être proposée et acceptée par une entreprise. Il est possible de s’interroger également sur les droits que pourra exercer la partie civile sur les biens saisis dans le cadre de la procédure. Dans un rapport publié par Transparency International France en juin 2024, l’association avait en effet appelé à renforcer la place des victimes de la corruption dans les CJIPs.


La loi du 24 juin 2024 précise également les cas dans lesquels le procureur de la République, les juridictions d’instruction ou les juridictions de jugement, pourront ne pas restituer les biens placés sous-main de justice et qui sont l’instrument ou le produit de l’infraction : extinction de l’action publique en raison du décès de la personne mise en cause, classement sans suite pour des motifs de pure opportunité ou encore relaxe pour défaut d’imputation de l’infraction à la personne poursuivie. Ces décisions peuvent ainsi intervenir lorsqu’il n’y a pas de condamnation pénale, si l’infraction apparait constituée. Le mécanisme de non-restitution est un outil intéressant en ce qu’il produit alors les mêmes effets qu’une confiscation sans condamnation pénale préalable, principalement utilisée dans les pays anglo-saxons. Les biens non restitués sont gérés par l’AGRASC.

A noter également que la loi étend la liste des bénéficiaires à qui l’AGRASC peut transmettre les biens à titre gratuit : les services de l’administration pénitentiaire et les établissements publics placés sous la tutelle du ministère de la justice seront aussi concernés. Sans oublier que depuis le 4 novembre 2021, ces biens confisqués peuvent également être mis à disposition des associations pour leur usage social.


Un apport notable de la loi concerne la possibilité, pour la partie civile, d’être indemnisée sur l’ensemble des biens saisis dans le cadre d’une procédure pénale dont la propriété a été transférée à l’Etat, et non plus uniquement sur les biens ayant fait l’objet d’une décision de confiscation par les juridictions de jugement. Cette mesure devrait considérablement renforcer l’assiette de l’indemnisation pour les victimes. Elle s’applique également aux décisions définitives de non restitution et à l’ensemble des biens dont l’AGRASC est dépositaire et dont la propriété a été transférée à l’Etat.



Pour aller plus loin

Note de position sur la convention judiciaire d’intérêt public

Rapport d’étude sur la place de la victime dans la convention judiciaire d’intérêt public

Note de position sur la proposition de loi améliorant l’efficacité des dispositifs de saisie et de confiscation des avoirs criminels

Note de position sur les travaux de la commission d’enquête du Sénat relative à l’impact du narcotrafic en France


Contacts :

Laurence Fabre : laurence.fabre@transparency-france.org

Charlotte Palmieri : charlotte.palmieri@transparency-france.org

S'abonner à notre newsletter

Veuillez saisir une adresse email valide.
Veuillez vérifier le champ obligatoire.
Quelque chose a mal tourné. Veuillez vérifier vos entrées et réessayez.