[Publication] Bilan du quinquennat Hollande
Paris, le 19 décembre 2016
Corruption / transparence : des avancées majeures sous ce quinquennat
Ces avancées ne suffiront toutefois pas à elles seules à répondre à l’ensemble des enjeux de la lutte contre la corruption en France sur lesquels les candidats à l’élection présidentielle 2017 doivent prendre des engagements forts.
Transparency France dresse un bilan globalement positif des actions menées sous le quinquennat en matière de transparence de la vie publique et de lutte contre la corruption. L’association se félicite des avancées obtenues sur plusieurs sujets importants, tels que la prévention des conflits d’intérêts, la lutte contre la délinquance économique et la protection des lanceurs d’alerte.
Toutefois, des progrès sont attendus pour favoriser la participation citoyenne ou la probité des décideurs publics. Egalement, des réformes ambitieuses doivent encore être menées pour mieux encadrer le financement de la vie politique ou le lobbying et garantir l’indépendance de la justice. L’association appelle les candidats à l’élection 2017 à prendre des engagements fermes sur 11 recommandations concrètes pour renouveler la démocratie.
Protection des lanceurs d’alerte, lutte contre la délinquance économique et financière et prévention des conflits d’intérêts : les avancées du quinquennat
Plusieurs lois, auxquelles l’association a grandement contribué, ont été adoptées et ont permis d’amorcer un changement de culture pour faire de l’éthique publique une composante centrale du pacte qui doit lier les citoyens à leurs représentants.
Créés après le choc de l’affaire Cahuzac, le Parquet national financier (PNF) et la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) délivrent un bilan encourageant. En assurant un meilleur contrôle sur les agents publics et en réprimant plus sévèrement la délinquance économique et financière, ces institutions ont déjà plusieurs succès significatifs à leur actif : des actions de prévention jusqu’à la condamnation emblématique de ministres et de personnalités publiques.
Ce changement de culture se manifeste aussi par de nouvelles pratiques politiques largement plebiscitées par les citoyens : transparence des liens d’intérêts et des patrimoines des décideurs publics via la publication de leurs déclarations en début et fin de mandat, ou encore limitation du cumul des mandats, réforme attendue par près de 83% des français[1] et qui entrera en vigueur dès 2017.
La lutte contre la fraude fiscale produit aussi ses premiers résultats. Grâce à la mise à disposition de nouveaux outils dans les mains de la justice, au renforcement des règles et des moyens consacrés ainsi qu’à l’action déterminante des lanceurs d’alerte, le montant des redressements fiscaux et des sanctions a atteint en 2015 plus de 21 milliards d’euros provenant des particuliers et des entreprises et 45000 comptes détenus irrégulièrement à l’étranger régularisés.
Aussi, le retard de la France en matière de lutte contre la grande corruption dans le commerce international, du fait de l’inadaptation de nos procédures, devrait être comblé à l’avenir avec la création d’un nouveau dispositif : la convention judiciaire.
Enfin, au terme de débats qui ont mobilisé de nombreuses organisations de la société civile, en tête desquelles Transparency France, l’adoption d’un dispositif complet et solide de protection des lanceurs d’alerte, contribue à hisser la France au niveau des meilleurs standards internationaux en la matière.
Des efforts à poursuivre pour garantir l’intégrité des décideurs publics et renforcer la participation citoyenne
Alors que l’opinion publique en France continue d’exprimer une grande défiance lorsqu’elle est interrogée sur l’intégrité de sa classe politique[2], les mesures adoptées prévoyant une application plus ferme des peines d’inéligibilité vont dans le bon sens.
Pour mettre fin au sentiment que certains élus bénéficient d’une forme d’impunité, il est toutefois nécessaire de poursuivre les efforts engagés en garantissant une plus grande transparence sur la probité des candidats à une élection ou encore sur leur usage des fonds publics une fois élus. Le contrôle des citoyens sur l’action des élus est une composante essentielle de la vie démocratique. Véritables contre-poids, leurs moyens d’action ont été renforcés via la possibilité pour eux ou des organisations de la société civile agréées de signaler des manquements à la probité, voire d’entamer des actions en justice. Il est à présent nécessaire de rapprocher les citoyens des décideurs en leur permettant d’être consultés plus régulièrement sur les décisions qui les concernent.
Les enjeux qui appellent encore des réformes ambitieuses : mieux encadrer le lobbying et le financement de la vie politique, garantir enfin l’indépendance de la justice
Le retard de la France en matière d’encadrement du lobbying était conséquent. Malgré l’adoption d’une première forme de législation qu’il faut saluer, beaucoup de chemin reste encore à parcourir. L’enjeu est pourtant de taille : contribuer à un peu plus de transparence sur la fabrication de la loi et offrir des garanties d’équité et d’intégrité dans les échanges entre ceux qui font valoir leurs intérêts et les décideurs publics qui prennent les décisions.
Autre axe de progrès important pour garantir une vie démocratique saine, un meilleur contrôle sur le financement des partis politiques et des campagnes. Malgré une législation des plus avancées en Europe, la multiplication des affaires politico-financières ces dernières années révèle d’importantes défaillances en la matière, contribuant à maintenir un sentiment de défiance très préoccupant vis-à-vis des partis politiques[3]. Enfin, seul moyen de lever tout soupçon d’interférence du politique dans les affaires, il est nécessaire d’assurer une véritable indépendance de la justice. Plus largement, Transparency France sera très attentif à ce que les moyens, l’indépendance – notamment pour l’Agence française anticorruption – et les ressources nécessaires soient octroyés aux institutions nouvellement créées pour les ancrer durablement dans le paysage français.
Malgré un bilan globalement positif, ces avancées importantes ne suffiront pas à elles seules, à répondre à l’ensemble des enjeux de la lutte contre la corruption en France. Les attentes citoyennes, en termes de légitimité, d’intégrité et de responsabilité du politique sont importantes, à la hauteur de la crise que nous traversons. Il est essentiel de placer l’intérêt général au cœur de l’action démocratique pour restaurer progressivement cette confiance grandement entamée. C’est pourquoi Transparency France appelle les candidats à l’élection présidentielle à s’engager dès maintenant sur des propositions concrètes pour favoriser la participation citoyenne, faire la lumière sur le lobbying, encadrer le financement politique, ou encore renforcer l’intégrité des décideurs publics : c’est à ces conditions que nous pourrons opérer l’indispensable revitalisation de notre démocratie.
[1] Sondage réalisé par Viavoice pour La Fondation Jean Jaurès et La Revue Civique, septembre 2016
[2] 54% des Français estiment que les personnes qui exercent des responsabilités importantes ou ayant du pouvoir sont corrompues pour une grande partie d’entre elles – Sondage Harris Interactive pour Transparency France et Tilder, octobre 2016
[3] Selon le Baromètre CEVIPOF de la confiance politique, près de 87% des français se déclarent méfiants (vague 7 – janvier 2016)