Mobilités publics et privés

Au-delà du pantouflage, les mobilités public/privé

Le terme de « pantouflage » désigne de manière familière le fait pour un haut fonctionnaire d'aller travailler dans une entreprise privée, il désigne un phénomène particulier d’un ensemble plus large : les mobilités de carrière entre emplois publics et privés.

À l'origine, le mot « pantoufle » désignait, dans l'argot de l'École polytechnique, le renoncement à toute carrière de l'État à la fin des études. Les élèves de la prestigieuse école avaient pour vocation de « rentrer dans la botte », c’est-à-dire se mettre au service de l’Etat pendant au moins dix ans après l’obtention de leur diplôme. Ceux qui renonçaient à cette voie normale rentraient quant à eux dans « la pantoufle ». Le terme s’est élargi par la suite pour désigner le montant à rembourser à l’Etat en cas de non-respect de l'engagement décennal. C'est assez souvent l'entreprise recrutant l'élève en fin d'études ou l’ex-fonctionnaire qui s'acquittait de la pantoufle.

Aujourd’hui, le terme « pantouflage » désigne aussi le passage de personnalités politiques dans le privé où elles vont mettre à profit leur carnet d’adresse et leur connaissance des rouages de l’appareil d’Etat en exerçant des fonctions de conseil ou de lobbying. Il existe aussi un phénomène de « rétro-pantouflage » qui désigne les anciens agents publics partis dans le privé qui reviennent ensuite dans un emploi public. Ces allers-retours public-privé peuvent être qualifié de « portes-tournantes » («revolving doors » en anglais).

En l’absence de contrôle, ces mobilités public/privé peuvent poser des problèmes éthiques et déontologiques et générer des situations de conflits d'intérêts. En effet, un décideur public – élu national ou local, ministre, membre de cabinet ministériel, agent public – passant dans le privé peut être soupçonné d’avoir mis ses fonctions publiques au service non pas de l’intérêt général, mais des intérêts particuliers de son futur employeur.

Top view of male feet wearing home slippers and standing on hardwood flooring in living room, copy space included
Revolving glass door

Contrôles

Pour éviter que la décision publique ne soit ainsi dévoyée, les passages entre le secteur public et le secteur privé sont régulés.

D’une part grâce à l’existence d’un délit dit de « pantouflage » (Article 432-13 du Code pénal), délit pénal puni de trois ans d’emprisonnement et 200.000 € d’amende qui désigne qui s’applique aux anciens agents publics, membres du Gouvernement et élus locaux qui prendraient une participation, via une embauche ou l’achat d’actions par exemple, dans une entreprise privée du secteur concurrentiel qu’ils auraient pu administrer dans leurs précédentes fonctions publiques exercées il y a moins de 3 ans. Cette période de trois années est qualifiée de période de « refroidissement » (« cooling-off period » en anglais) et elle vise à éviter que des décisions publiques puissent être rendues partiales dans l’espoir d’une rétribution future, par un recrutement par exemple.

En France, les membres du Gouvernement doivent soumettre leur projet de reconversion à un avis préalable de la HATVP depuis 2013. Pour les agents publics aux fonctions hiérarchiques les plus élevées et une partie des élus locaux les plus importants, un contrôle similaire de la HATVP existe depuis la réforme de la fonction publique de 2019 qui a transféré les compétences de l’ancienne Commission de déontologie de la fonction publique à la HATVP. Pour les autres agents publics depuis 2019, ce sont les supérieurs hiérarchiques et les déontologues qui doivent contrôler les reconversions. Ces différentes autorités déontologiques contrôlent d’une part la possibilité de commettre le délit pénal de « pantouflage » et d’autre part le risque déontologique qui pourrait porter atteinte à l’administration. La HATVP a la possibilité de rendre publics les avis rendus, ce qui constitue une excellente nouvelle pour la transparence de la vie publique tant cette pratique facilite la mise en place d’un « contrôle naturel » du respect de ces avis par les journalistes, la société civile et les citoyens.

Si cette réforme qui a également renforcé les sanctions en cas de non-respect des avis de compatibilité et instauré un contrôle des conflits d’intérêts potentiels en cas de nomination d’un salarié issu du privé à une fonction importante de la sphère publique («rétropantouflage»), constitue une avancée importante, des améliorations peuvent toutefois encore y être apportées pour toujours contrôler les passages des décideurs publics entre les secteurs public et privé.

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