Loi Travail : les ordonnances introduisent une discrimination entre lanceurs d’alerte
Le lundi 18 septembre 2017, Marc-André Feffer, Président de Transparency France adresse un courrier à Muriel Pénicaud, Ministre du travail.
Madame la Ministre,
Au nom de Transparency International France, je tenais à vous faire part de ma grande préoccupation quant à l’impact des ordonnances réformant le Code du Travail sur la protection des lanceurs d’alerte.
La loi Sapin II de décembre 2016 a créé un statut général du lanceur d’alerte, alors que cohabitaient auparavant plusieurs dispositions éparses dans des lois sectorielles. Ce dispositif repose sur une définition large du lanceur d’alerte, accordant une protection aux individus signalant ou révélant « une menace ou un préjudice graves pour l’intérêt général » et non uniquement des faits illégaux ou délictueux. Cela a permis de hisser la France au niveau des meilleurs standards internationaux.
Or, dans leur rédaction actuelle, les ordonnances introduisent une discrimination entre lanceurs d’alerte, à rebours de l’effort d’harmonisation issu de la loi Sapin II. En cas de licenciement abusif, seuls les lanceurs d’alerte dénonçant des crimes et délits ou une violation d’une liberté fondamentale – soit un spectre significativement plus restreint que celui couvert par la loi Sapin II – pourraient être indemnisés à la hauteur du préjudice subi ; dans tous les autres cas de figure (exemples d’Irène Frachon dans le cas du Mediator ou d’Antoine Deltour dans l’affaire Luxleaks), les dommages et intérêts seraient plafonnés.
Les lanceurs d’alerte jouent un rôle essentiel pour la transparence, l’intégrité et une meilleure gouvernance, souvent au détriment de leur situation personnelle. C’est à ce titre que Transparency a milité pendant de longues années pour qu’ils bénéficient d’une réelle protection. La France peut aujourd’hui s’enorgueillir de faire partie du quatuor des meilleures législations européennes en la matière. Il serait très dommageable que le Code du Travail conduise à un recul injustifié dans la protection des lanceurs d’alerte. Il nous parait donc indispensable que le texte final retenu pour l’ordonnance prévoie une indemnisation du lanceur d’alerte en cas de licenciement abusif à la hauteur du préjudice subi, quelle que soit la pratique dénoncée.
Avec mes respectueux hommages, je vous prie de croire, Madame la Ministre, à ma haute considération.
Marc-André Feffer,
Président de Transparency International France