[COMMUNIQUÉ] Frais de mandat des parlementaires : 9 recommandations pour une réforme ambitieuse

[COMMUNIQUÉ] Frais de mandat des parlementaires : 9 recommandations pour une réforme ambitieuse

Encadrement des frais de mandat des parlementaires : Transparency International France formule 9 recommandations pour une réforme plus ambitieuse.

Communiqué, le 11/12/2017

Après l’Assemblée nationale,  le Sénat a publié à son tour le premier volet de la réforme de l’IRFM. Si les mesures adoptées vont dans le bon sens, elles ne sauraient constituer qu’une étape : les parlementaires doivent désormais assurer la transparence des frais de mandat. Transparency International France formule des recommandations pour une réforme ambitieuse.


Après l’Assemblée nationale, le Sénat a pris à son tour des mesures pour réformer les frais de mandat des parlementaires (clarification des dépenses éligibles et mise en place d’un système de contrôle). Avec ce premier pas, les parlementaires ne sont plus les seuls juges du bon usage de cette enveloppe. Désormais chaque assemblée exercera un meilleur contrôle sur les dépenses.

Si mettre à disposition des élus les moyens nécessaires à l’exercice indépendant de leur mandat est une condition de la démocratie, le remboursement des frais de mandat ne doit en aucun cas contribuer à l’enrichissement personnel des parlementaires[1]. Depuis de nombreuses années, Transparency International France appelle à une réforme ambitieuse de l’IRFM, dont la transparence est une condition nécessaire.

Cette première étape doit donc s’inscrire dans une ambition plus large : la transparence des frais de mandat, comme élément essentiel d’un contrôle efficace. « Le Parlement ne doit pas s’arrêter au milieu du gué. Le moyen le plus efficace de réformer les frais de mandat des parlementaires est d’en assurer la transparence. L’opacité nourrit la suspicion des citoyens et mine ainsi la confiance », estime Marc-André Feffer, président de Transparency International France. Des Etats-Unis aux pays scandinaves en passant par le Royaume-Uni, de nombreux exemples étrangers montrent que cette transparence est possible et qu’elle n’entrave pas le fonctionnement de la démocratie.

Transparency appelle également à élargir le champ des dépenses remboursées sur justificatifs, et à garantir la qualité et l’indépendance des contrôles. « La crédibilité du dispositif reposera sur l’indépendance des personnes effectuant les contrôles et les moyens qui leur seront alloués, mais aussi et surtout sur la volonté politique de prononcer des sanctions quand des manquements sont constatés », poursuit Marc-André Feffer. Il est notamment prioritaire que le Sénat se dote d’un déontologue indépendant, l’actuel comité de déontologie étant composé uniquement de sénateurs.

Au-delà de l’IRFM, la transparence budgétaire du Parlement et des groupes politiques doit être rapidement assurée : l’opacité des comptes des groupes parlementaires est au cœur de plusieurs affaires qui sont désormais dans les mains de la justice.

Toutes ces recommandations font écho à un rapport publié pendant la campagne des législatives, dans lequel Transparency avait formulé plusieurs recommandations inspirées des meilleurs exemples internationaux pour une réforme ambitieuse du financement des frais de mandat des parlementaires : définition de règles clairement établies, mise en place d’un dispositif de contrôle de ces dépenses, et transparence des dépenses. Ce rapport contenait également des recommandations pour renforcer le rôle et les moyens alloués à la déontologie.

[1] L’IRFM pouvait contribuer à un enrichissement pouvant atteindre 200 000€ sur la durée d’un mandat selon un rapport de 2012 de la Commission pour la Transparence Financière de la Vie Politique (ancêtre de la HATVP). La Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique déplore dans son dernier rapport d’activité qu’il ne soit pas possible d’expliquer les variations de patrimoine de certains parlementaires sans tenir compte de l’IRFM.


Les 9 recommandations de Transparency International France
pour une réforme véritablement ambitieuse des frais de mandat

  • Assurer rapidement la transparence des frais de mandat : si la clarification des dépenses éligibles et l’instauration d’un système de contrôle constituent des étapes nécessaires et indispensables, le moyen le plus efficace de réformer l’IRFM est d’en assurer la transparence. Cela ne devrait pas poser de problème de faisabilité : maintenant que les outils informatiques de recueillement des justificatifs existent, il suffit désormais d’en publier le contenu en ligne. La transparence des frais de mandat est déjà pratiquée dans de nombreux parlements, sans que cela n’empêche aucunement ceux-ci de fonctionner ni n’entrave la démocratie. Aux Etats-Unis, la loi oblige depuis 1964 les parlementaires à publier l’intégralité de leurs dépenses, qui sont mises en ligne en open data sur une base trimestrielle. Au Royaume-Uni, une autorité indépendante est chargée de publier et de contrôler les dépenses des parlementaires. En Suède, Norvège ou Finlande, les citoyens ont le droit d’accéder sur demande à tous les justificatifs relatifs aux indemnités et remboursements de frais des députés. Cette proposition fait par ailleurs l’objet d’un large consensus politique : interrogés par Transparency International France à ce sujet pendant la campagne de 2017, dix candidats à la présidentielle sur onze se disaient favorables à une transparence de l’IRFM.

  • Elargir le champ des dépenses directement prises en charge par l’Assemblée nationale et le Sénat ou remboursées sur justificatifs, et enrichir le guide des dépenses autorisées et interdites. Les clauses de rendez-vous constituent une occasion naturelle d’avancer en ce sens. De nombreuses dépenses pourraient être prises en charge directement par l’Assemblée nationale ou le Sénat. Cela n’entraîne pas de surcharge administrative significative : les cartes bancaires à débit différé permettent d’organiser aisément le remboursement sur justificatifs. De même, il ne nous paraît pas justifié que 10 à 15% des frais de mandat échappent par principe à tout contrôle. De manière générale, les règles sur les dépenses éligibles et interdites devront être enrichies et affinées, par exemple pour préciser l’interprétation du principe de dépense « raisonnable ».

  • Au Sénat, nommer sans attendre un déontologue indépendant. A l’Assemblée nationale, publier les avis de la déontologue relatifs à cette réforme des frais de mandat.

  • Veiller à ce que les parlementaires puissent être contrôlés plusieurs fois au cours d’un mandat : dans chaque chambre, le nombre total de contrôles doit pour cela être supérieur au nombre de parlementaires. Le Parlement ne doit pas véhiculer l’idée qu’un parlementaire contrôlé en début de mandat serait à l’abri de tout contrôle ultérieur.

  • A l’Assemblée nationale, recourir à un organisme extérieur pour effectuer les contrôles sous l’autorité de la déontologue. Le succès du dispositif réside en grande partie sur l’effectivité des contrôles qui seront entrepris, ce qui implique d’y allouer des moyens suffisants et de veiller à l’indépendance des personnes effectuant les contrôles. Dans un rapport pour un Parlement Exemplaire (mai 2017), Transparency recommandait de recourir à des organismes extérieurs si la solution du remboursement intégral sur justificatifs n’était pas retenue. En tout état de cause, il sera essentiel de bien séparer les équipes dédiées au contrôle et les équipes dédiées au conseil déontologique.

  • Préciser ce que recouvre exactement la clause de confidentialité prévue dans l’arrêté du Bureau de l’Assemblée nationale. Par définition, les frais de mandat ne sauraient revêtir un quelconque caractère personnel. Il faudra donc s’assurer que le « secret protégé par la loi » ne permette pas aux parlementaires d’invoquer, d’une manière ou d’une autre, le secret bancaire pour refuser de transmettre des informations. De même, le fait que les députés ne seront pas tenus de fournir d’informations relatives à l’identité de tierces personnes pourrait remettre en cause la capacité de la déontologue à vérifier l’absence de dépenses créant « un bénéfice financier ou matériel pour eux-mêmes ou leurs proches » – comme le proscrit le code de déontologie de l’Assemblée nationale.

  • Proscrire sans ambigüité les dépenses pouvant conduire à un enrichissement des proches, conformément au premier article du code de déontologie des parlementaires comme par exemple la location de permanences parlementaires dont le propriétaire est un conjoint, ascendant et descendant du parlementaire.

  • Veiller à ce que les dépenses soient bien en lien direct avec le mandat parlementaire. Cela suppose notamment de clarifier et de mieux encadrer la notion « d’activité politique indissociable du mandat parlementaire » évoquée dans la décision de l’Assemblée nationale.

  • Engager une réforme plus générale de la transparence budgétaire du Parlement, en imposant notamment une transparence des comptes des groupes parlementaires.

Contact presse

Anne Boisse
anne.boisse@transparency-france.org
01 86 95 36 01 – 07 60 07 89 96

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