Protection des lanceurs d’alerte : 48 Heures au Conseil de l’Europe
Retour sur « 48heures chrono », un évènement organisé les 14 et 15 mars dernier par le député français Sylvain Waserman, également membre de l’APCE (Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe). Au programme : 48 heures de réflexions en présence de lanceurs d’alerte, d’universitaires, d’avocats et d’ONG, pour nourrir les travaux du Conseil de l’Europe. Transparency France y était.
Une démocratie en bonne santé est une démocratie qui protège ses lanceurs d’alerte : c’est ce constat que défend le Conseil de l’Europe, qui travaille sur la question depuis 2009. A l’origine de nombreuses affaires récentes (Monsanto Papers, scandale du Mediator, Luxleaks…), les lanceurs d’alerte font désormais partie du paysage médiatique.
Malgré les informations essentielles révélées par les lanceurs d’alerte, ces derniers souffrent souvent de leur acte : intimidations, procédures judiciaires, licenciement, rupture du lien social… Comme le rappelle Sylvain Waserman, membre de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, « Une protection plus effective des lanceurs d’alerte est un marqueur fort de l’amélioration du fonctionnement de nos démocraties. »
« Lanceur d’alerte n’est pas un métier, c’est une tragédie qui vous tombe dessus »
C’est par ces mots forts que Nicole Marie-Meyer, responsable alerte éthique chez Transparency France, ouvre son intervention. Elle-même lanceuse d’alerte, elle a dénoncé à deux reprises de possibles faits de détournements de fonds et faux en écriture publique au sein de missions du Quai d’Orsay en Afrique et en Europe. Elle fut menacée (sous contrat de mort), placardisée puis licenciée à la suite de ses signalements.
Ce jeudi 14 mars au Conseil de l’Europe, Nicole Marie-Meyer intervenait aux côtés de Maître Grégory Thuan sur les meilleures pratiques législatives en matière de protection des lanceurs d’alerte. Les différentes législations nationales sur la protection des lanceurs d’alerte sont relativement récentes (50 ans), et résultent de contextes culturels différents d’un pays à l’autre. Aux Etats-Unis par exemple, la législation est très sectorielle. Selon Nicole Marie-Meyer, c’est la résultante d’un affrontement entre le gouvernement et la société civile. Au Royaume Uni ou en France, à l’inverse, le Public Interest Disclosure Act (1998) ou la loi Sapin 2 de 2016 sont des lois globales, fruit d’un plaidoyer important de plusieurs ONG auprès du gouvernement et d’un dialogue entre toutes les parties (ONG, syndicats, Universités, Parlement, gouvernement).
Si l’Union européenne est désormais à la pointe de la protection des lanceurs d’alerte, notamment grâce à la directive européenne en la matière (qui devrait être votée le 16 avril), Nicole Marie-Meyer soutient qu’une absence de législation est parfois meilleure qu’une législation insuffisante : « Les législations peuvent être des chevaux de Troie, des tigres de papier, qui donnent aux lanceurs d’alerte un faux sentiment de sécurité. »
Lire aussi >>> Le guide de Transparency International sur les meilleures pratiques législatives en matière de protection des lanceurs d’alerte
Au-delà de la législation, de véritables enjeux humains.
Nicole Marie-Meyer a rappelé l’importance pour le législateur de se mettre dans la peau du lanceur d’alerte, afin de prévoir toutes les étapes de son « chemin de croix ». Les 48 heures auront été rythmées par des témoignages forts, notamment celui de Céline Boussié.
Entre 2008 et 2014, Céline Boussié était aide médico-psychologique à l’institut médico-éducatif de Moussaron, dans le Gers. Jetée dans le grand bain sans formation, elle y découvrirait alors un véritable système de « maltraitance institutionnelle » (rapport de l’ARS 2013). En 2013, elle saisit un syndicat et l’agence régionale de santé. Licenciée en 2014 pour inaptitude, Céline Boussié est ensuite attaquée en diffamation par l’établissement en 2015. Motif : son intervention dans deux médias nationaux. Finalement relaxée le 21 novembre 2017, son cas fait désormais jurisprudence pour les lanceurs d’alerte.
Mais le coût personnel de son action aura été particulièrement lourd. Harcèlement, menaces, chômage et isolement, les lanceurs d’alerte ne devraient pas avoir à subir de représailles pour avoir signalé de graves dysfonctionnements ! Céline Boussié rappelle ainsi l’importance pour le lanceur d’alerte d’être bien entouré par un comité de soutien, par sa famille, ses amis… Elle est aujourd’hui secrétaire générale adjointe de la Maison des lanceurs d’alerte, une structure créée par plusieurs associations dont Transparency France. La MLA a vocation à fournir un soutien juridique, psychologique, technique et financier aux lanceurs d’alerte.