[Eclairage] Réforme de la justice : retour sur le référendum en Roumanie

[ECLAIRAGE] Réforme de la justice : retour sur le référendum en Roumanie

Le 26 mai dernier, les citoyens roumains étaient appelés aux urnes pour élire leurs futurs eurodéputés, mais pas seulement. Ce même jour, le Président organisait un référendum autour des questions de corruption. Ci-dessous un éclairage de la section roumaine de Transparency International.

Une démocratie en bonne santé est une démocratie qui protège ses lanceurs d’alerte : c’est ce constat que défend le Conseil de l’Europe, qui travaille sur la question depuis 2009. A l’origine de nombreuses affaires récentes (Monsanto Papers, scandale du Mediator, Luxleaks…), les lanceurs d’alerte font désormais partie du paysage médiatique.

Malgré les informations essentielles révélées par les lanceurs d’alerte, ces derniers souffrent souvent de leur acte : intimidations, procédures judiciaires, licenciement, rupture du lien social… Comme le rappelle Sylvain Waserman, membre de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, « Une protection plus effective des lanceurs d’alerte est un marqueur fort de l’amélioration du fonctionnement de nos démocraties. »

Le jour des élections européennes, le 26 mai dernier, le Président a organisé un référendum anticorruption. Dans quel contexte politique s’inscrit-il ?

La Roumanie, qui occupait la présidence tournante de l’Union Européenne jusqu’en juillet, est engagée dans une cohabitation difficile entre le président du Parti national libéral, Klaus Iohannis, et le gouvernement social-démocrate, notamment sur la question des institutions européennes.

Engagée en 2017 par le gouvernement, la réforme du système judiciaire a suscité de vives tensions et propulsé certains sujets – la corruption, l’intégrité dans la fonction publique et l’efficacité des institutions – au cœur de l’agenda politique et médiatique.

Considérant cette réforme comme une attaque contre le système judiciaire visant à affaiblir la lutte contre la corruption, le Président a décidé d’organiser un référendum le 26 mai dernier. « Je vais convoquer un référendum pour le 26 mai, parce que nous ne pouvons pas continuer comme ça », avait-il déclaré à la télévision.

Pour quelles raisons Klaus Iohannis a-t-il décidé de tenir ce référendum le même jour que les élections européennes ?

Le Président a utilisé son droit constitutionnel (article 90) lui permettant de consulter les citoyens sur un sujet d’intérêt national – la justice liée aux actes de corruption. Dans le même temps, un référendum sur une question d’une telle actualité avait également pour objectif d’attirer plus de citoyens dans les bureaux de vote, y compris pour les élections européennes. Les résultats des élections européennes constituent également un baromètre pour les prochaines élections. À l’automne, nous avons des élections présidentielles, et l’année prochaine, en 2020, des élections locales et législatives sont prévues.

Quelles sont les deux questions posées dans le cadre du Référendum ?

  1. Approuvez-vous une interdiction de toute amnistie et de grâce pour faits de corruption ?
  2. Approuvez-vous l’interdiction de l’adoption par le gouvernement d’ordonnances d’urgence dans le domaine des crimes, des peines et de l’organisation judiciaire et l’extension du droit de recours direct devant la Cour constitutionnelle ?

Transparency Roumanie soutient sans réserve tout acte normatif qui interdirait l’amnistie et la grâce dans les affaires de corruption. La deuxième question recouvre des enjeux qu’il est important de comprendre avant de se prononcer, c’est pourquoi aussi nous avons émis quelques réserves à ce sujet. Néanmoins, le référendum est un droit constitutionnel et nous avons encouragé les citoyens à voter indépendamment de leur opinion politique.

Les nombreuses manifestations et les résultats du scrutin semblent montrer que les citoyens ne tolèrent plus la corruption au plus haut niveau de l’État. Dans ce contexte, quel est le rôle d’une ONG comme Transparency Roumanie ?

Avec un taux de participation de plus de 40% et plus de 85% des suffrages exprimés allant dans le sens d’un refus de l’amnistie et de l’usage des ordonnances en matière judiciaire, ce scrutin montre que la lutte contre la corruption reste une priorité pour la société roumaine.

Dans ce contexte, notre rôle est de porter et d’inscrire à l’agenda politique des propositions en réponse aux problèmes signalés par les citoyens, les lanceurs d’alerte et les journalistes. Depuis plus de 20 ans, Transparency Roumanie agit en ce sens pour renforcer l’intégrité, la prévention de la corruption et le fonctionnement des institutions.

Ce référendum pourrait-il contribuer à soutenir l’État de droit et l’indépendance de la justice en Roumanie ?

Ce scrutin reste essentiellement symbolique puisque son résultat n’est pas contraignant et doit être transposé dans la loi par le Parlement. Maintenant, les partis politiques, les parties prenantes, les ONG doivent entamer un dialogue, agir ensemble pour trouver les meilleurs moyens de respecter le signal fort envoyé par les citoyens : une politique pénale intransigeante face aux actes de corruption, condition essentielle au respect de l’Etat de droit et à une justice équitable.

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