Condamnation des époux Fillon : Pour éviter de nouvelles affaires, une culture de transparence et d’exemplarité reste à installer
Paris, lundi 29 juin 2020,
En condamnant François et Pénélope Fillon respectivement à 5 ans d’emprisonnement dont 3 avec sursis, 10 ans d’inéligibilité et 375.000 euros d’amende et 3 ans avec sursis, 375.000€ d’amende et 2 ans d’inéligibilité pour détournement et recel de fonds publics dans l’affaire des emplois fictifs, le tribunal correctionnel de Paris a condamné des pratiques d’un autre âge.
L’époque où des parlementaires estimaient n’avoir aucun compte à rendre sur la manière dont ils utilisaient les moyens qui leur étaient alloués pour l’exercice de leur mandat est révolue.
Sans attendre ce jugement, le Parlement avait déjà légiféré. Depuis 2017 et la loi pour la confiance dans la vie politique, un parlementaire français ne peut plus embaucher un membre de sa famille comme attaché parlementaire, la liste de ces derniers est publique et il leur désormais interdit d’être rémunérés par des représentants d’intérêts en plus de leurs fonctions.
Si cette loi a apporté des avancées notables, notamment sur les emplois familiaux ou les activités de conseils des parlementaires, a-t-elle définitivement supprimé le risque de nouvelles affaires ? On peut sérieusement en douter, car des zones d’ombre nombreuses demeurent.
Le contrôle de l’utilisation des frais de mandat des parlementaires, certes renforcé depuis 2017, peut et doit encore être amélioré : il existe désormais un contrôle obligatoire des frais de mandat accordés aux parlementaires. L’ancienne « Indemnité Représentative de Frais de Mandat » (IRFM) a été remplacée par une « Avance sur Frais de Mandat » (AFM), et une liste de dépenses autorisées et interdites a été établie dans chacune des chambres parlementaires. Ces réformes constituent un premier pas important, mais les mesures adoptées en 2017 comportent encore beaucoup de lacunes. Pour y remédier, Transparency international France, propose d‘assurer rapidement la transparence des frais de mandat, d’élargir le champ des dépenses remboursées sur justificatifs, de garantir la qualité et l’indépendance des contrôles, mais aussi de doter le Sénat d’un déontologue indépendant.
Par ailleurs les collaborateurs parlementaires ne bénéficient toujours pas d’un réel statut global, avec des règles déontologiques claires. Malgré les quelques avancées en matière de transparence mentionnées ci-dessus, les collaborateurs parlementaires restent soumis uniquement au contrôle des parlementaires qui les emploient, sans droit de regard du Parlement et sans obligation d’établir une fiche de poste.
Si les activités de conseil sont désormais interdites aux parlementaires, un an avant et durant leur mandat, leurs obligations de transparence sur les revenus tirés d’une activité professionnelle ne sont pas suffisantes pour prévenir pleinement les conflits d’intérêts.
Quant aux groupes politiques parlementaires, rien n’a été fait pour améliorer leur transparence budgétaire et comptable. Malgré une réforme en 2015 les obligeant à se constituer en associations, plusieurs affaires en cours témoignent de l’opacité persistante de leurs comptes. Pour y remédier, Transparency international France propose de renforcer les dispositifs de contrôle et d’audit interne à l’Assemblée nationale et au Sénat. Dans cette même optique, la publication des rapports de la Cour des Comptes sur les deux chambres permettrait de palier les données comptables lacunaires publiées annuellement sur le site de l’Assemblée nationale et du Sénat.
Il est donc nécessaire de continuer à renforcer les obligations et le contrôle des élus et décideurs publics en matière de transparence. Notre démocratie ne saurait vivre perpétuellement au rythme des affaires. Les élus doivent la protéger et se protéger eux-mêmes. La majorité a encore deux ans pour reprendre la main, prendre les initiatives nécessaires sans attendre la prochaine affaire et poursuivre la dynamique enclenchée dès le lendemain de la présidentielle. Les pistes d’amélioration sont connues. Les progrès sont attendus. Il ne manque plus que la volonté politique de les mettre en œuvre.
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