Essais cliniques en France : la recherche publique trop peu transparente
Publié le 16 mars 2021
Transparency International France s’est associé à Till Bruckner, expert de la transparence dans le domaine de la santé, pour produire un rapport révélant avec méthode les lacunes de transparence qui existent en France dans le domaine des essais cliniques. Des manquements d’autant plus dommageables que dans le domaine de la recherche médicale, la transparence est une exigence éthique et scientifique qui permet d’obtenir des bénéfices certains.
La crise sanitaire qui bouleverse actuellement le monde entier a malheureusement contribué à nourrir la défiance des citoyens envers les institutions publiques. Sous la pression de l’urgence, l’exigence de transparence a parfois été reléguée au second plan, que ce soit dans l’élaboration des décisions publiques ou dans l’expression de la parole scientifique et médicale. Pourtant, sans prétendre tout résoudre, la transparence fait indubitablement partie des solutions au problème, a fortiori en période de crise, et l’importance de processus de décision plus transparents doit être réaffirmée, car elle est la condition de la redevabilité.
Pourtant, dans un domaine aussi essentiel que celui des essais cliniques, la transparence est encore loin d’être une réalité concrète en France, alors même qu’il s’agit d’une obligation légale. C’est ce que démontre avec méthode le présent rapport de l’association TranspariMED, auquel Transparency International France et Mélanome France se sont associés. Cette étude rigoureuse révèle que les lacunes en matière de publication des principaux résultats des essais cliniques médicamenteux ne sont pas également réparties entre les acteurs publics et privés, que certains acteurs sont plus en avance que d’autres. Cela prouve que des marges de progrès existent. L’objectif de ce rapport n’est en effet pas de pratiquer un « name and shame » stérile, mais bien d’initier une prise de conscience des parties-prenantes, promoteurs d’essais cliniques, investigateurs, autorités de régulation (HAS, ANSM), centres de pharmacovigilance, enseignants-chercheurs. Cela permettra d’engager un dialogue constructif avec la société civile afin d’aboutir à plus de transparence.
Car au-delà du simple enjeu de conformité avec le cadre juridique européen et national applicable, la transparence des essais cliniques est une exigence éthique et scientifique qui permet d’obtenir des bénéfices certains. Elle accélère la recherche médicale grâce à la mise en commun plus rapide des résultats, et permet aux patients de bénéficier dès que possible du meilleur protocole thérapeutique. Elle optimise l’allocation des financements publics (crédit d’impôt recherche, assurance maladie, fonds d’intervention régional, crédits du plan de relance, achats publics…) et permet de vérifier le bon usage des deniers publics par les acteurs, publics comme privés, qui peuvent en bénéficier largement. Elle évite que des mauvaises pratiques de recherche ne s’installent, en permettant d’accéder à tous les paramètres de l’étude. Elle permet aux agences sanitaires de prendre en toute connaissance de cause des décisions favorables au bien-être de la population.
Surtout, les essais cliniques ne constituent qu’un maillon de la chaîne complexe que forme le système de santé. La pandémie que nous traversons a montré à la fois l’importance d’établir une coopération entre les acteurs publics et privés qui forment le système de soins, et la nécessité de faire toute la transparence sur les interactions qui les lient. Car ces liens peuvent provoquer des conflits d’intérêts qu’il convient d’encadrer pour éviter qu’ils ne faussent le processus de décision. C’est ce que l’on le sait de manière certaine à l’issue du procès du Médiator devant le tribunal correctionnel de Paris qui s’apprête à rendre, le 29 mars 2021, son jugement particulièrement attendu par les 6 500 parties civiles. Pourtant même lorsque le cadre légal existe, il est souvent mis en œuvre de façon incomplète, comme nous pouvons déjà le constater pour les essais cliniques. Outre le procès du Médiator, celui de la Dépakine ou le scandale sanitaire mondial des « Implant Files » (pompes à insuline, implants mammaires, pacemakers, prothèses) révélé par le consortium international des journalistes d’investigation en novembre 2018 sont des illustrations tragiques et donc inacceptables de ces défaillances.
Le travail de coalition initié autour de la publication du présent rapport pose les jalons d’une méthode que nous entendons poursuivre dans le domaine de la santé. C’est en réunissant les acteurs de la société civile que nous pourrons obtenir enfin des progrès significatifs sur la transparence de notre système de santé, et garantir la santé de chacun, le bon usage des deniers publics et un accès sécurisé au progrès technique.
Patrick Lefas
Président de Transparency International France