Communiqué / Protection des lanceurs d’alerte : « Ce qui arrive à la proposition de loi Waserman illustre l’absence de volonté de l’exécutif de lutter efficacement contre la corruption »
Paris, le 16 décembre,
Alors que la France a jusqu’au 17 décembre pour transposer dans son droit national la directive européenne de protection des lanceurs d’alerte adoptée en 2019, la commission des lois du Sénat est revenue hier matin sur les nombreuses avancées contenues dans la proposition de loi du député Waserman votée à l’unanimité à l’Assemblée nationale le mois dernier. Un dynamitage de la proposition de loi qui, non content d’éloigner la perspective du vote d’un texte avant la fin de la mandature, revient sur les fondements même de la loi Sapin II votée en 2016.
Apporter aux lanceurs d’alerte une protection à l’échelle des risques qu’ils prennent pour défendre l’intérêt général. Telle était l’ambition du texte voté par les députés le 17 novembre dernier. Ce texte prévoyait notamment une protection pour les « facilitateurs personnes morales à but non lucratif » qui viennent en aide aux lanceurs d’alerte et facilitent leur action. La Commission des lois du Sénat, via des amendements déposés par les rapporteurs Les Républicains, est revenue ce 15 décembre sur ces avancées, en ne reconnaissant plus comme facilitateurs que des personnes physiques, par crainte « d’officines qui chercheraient à déstabiliser les administrations ou les entreprises françaises ». Autre exemple de recul, la suppression de l’irresponsabilité pénale par suite d’une captation et d’un enregistrement de paroles prononcées à titre privé ou confidentiel telle que le prévoyait le texte adopté par l’Assemblée nationale.
Pire encore, la Commission des lois du Sénat a adopté un amendement au texte qui propose de revenir sur la définition même du lanceur d’alerte en supprimant la notion de « préjudice à l’intérêt général ». Une proposition qui est une remise en cause d’un acquis de la loi Sapin II, alors même que la directive européenne prévoit une clause de non-régression, imposant aux Etats membres de maintenir a minima les dispositions en vigueur.
Pour Patrick Lefas, président de Transparency International France, « A ce niveau-là, le texte n’est plus détricoté, il nous fait régresser. Non seulement la commission des lois du Sénat revient sur ce qui constituait un texte protecteur des libertés publiques voté à l’unanimité à l’Assemblée nationale, mais en plus, elle remet en question la définition même du lanceur d’alerte établie par la loi Sapin II en 2016. Avec ce texte, il y a 5 ans, nous étions des précurseurs en matière d’alerte éthique. La transposition de la directive européenne de 2019 était l’occasion de maintenir ce cap et de renforcer de manière ambitieuse la protection des lanceurs d’alerte, acteurs indispensables de la détection notamment de faits de corruption. Le texte voté par l’Assemblé le 17 novembre portait la marque de cette ambition. Celui voté en commission des lois le 15 décembre compromet son adoption avant la fin de la législature et surtout montre l’absence de volonté de la France de respecter ses engagements européens, à la veille de la présidence française de l’Union européenne ».
Cela fait des années que nous alertons sur le manque de moyens et d’ambition de la France en matière de lutte contre la corruption. Un manque de moyens et d’ambition qui empêche la France d’agir de manière efficace contre une délinquance financière dont chaque livraison du consortium international des journalistes d’investigation nous permet de mesurer l’ampleur vertigineuse. Un manque de moyens et d’ambition qui empêche la France de tenir ses engagements internationaux en la matière. Un manque de moyens et d’ambition que dénoncent aujourd’hui magistrats et greffiers à travers une mobilisation sans précédent. Un manque de moyens et d’ambition qui révèle de manière concrète et cruelle l’absence de volonté de l’exécutif de lutter efficacement contre la corruption.
Et Patrick Lefas de conclure : « A quelques mois de la fin du quinquennat, le sort de la proposition de loi Protection des lanceurs d’alerte illustre de manière spectaculaire la place que l’exécutif donne à la lutte contre la corruption : reléguée en fin de mandat au risque d’être abandonnée à un prochain exécutif ».
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