Mercredi 3 mai 2023,
Suite au signalement de quatre organisations de la société civile, Phyteis n’a pas été capable de justifier comment il avait construit le chiffre de plusieurs milliers d’emplois menacés pour influencer les élus.
C’est le signalement par quatre organisations de la société civile en février 2023 qui avait donné l’alerte. Transparency International France, foodwatch, l’Institut Veblen et Les Amis de la Terre France avaient en effet informé la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) et les autorités déontologiques parlementaires d’un possible manquement du lobby des pesticides à ses obligations déontologiques. Pour tenter d’obtenir l’abrogation d’une mesure d’interdiction d’exportation de certains pesticides bannis d’utilisation dans l’UE contenue dans la Loi Egalim 2018, le lobby des pesticides avait alerté sénateurs et députés sur les « 2.700 emplois directs et 1.000 emplois indirects » mis en péril par cette interdiction qui est finalement bien entrée en vigueur. Ces chiffres avaient été repris tels quels en séance et dans des amendements déposés par plusieurs députés et sénateurs et relayés aussi par l’exécutif.
« Aujourd’hui, il est clair que Phytéis a élaboré ces chiffres avec une méthodologie aussi fantaisiste qu’opaque. Cette mise en demeure est une première juridique dont nous nous félicitons », soulignent Transparency International France, foodwatch, l’Institut Veblen et Les Amis de la Terre France.
Dans un courrier adressé aux quatre organisations ce 3 mai 2023, le Président du Sénat, Gérard Larcher, confirme : « En manquant de rigueur et de prudence dans ses contacts avec les sénateurs, Phyteis n’a pas respecté son devoir de probité, au sens de l’article 3 du code de conduite applicable aux représentants d’intérêts au Sénat ». Dans l’argumentaire détaillé, il apparaît clairement que Phyteis a « manqué aux obligations déontologiques auxquelles les représentants d’intérêt sont assujettis ». De plus, Phyteis « n’a pas jugé nécessaire d’informer les sénateurs sur les hypothèses et les incertitudes entourant l’évaluation communiquée par ses soins » et a refusé de fournir des informations plus détaillées aux sénateurs en « se prévalant de sa Charte du droit de la concurrence et du secret des affaires ».
Pour Transparency International France, foodwatch, l’Institut Veblen et Les Amis de la Terre France, cette mise en demeure de Phyteis par le Sénat est une bonne nouvelle et un signal fort à l’encontre de tous les lobbys : « Cette mise en demeure, rendue publique, créé un précédent. Phytéis n’a pas hésité à user d’un chantage à l’emploi fondé sur une méthodologie fantaisiste pour protéger ses affaires, au mépris de la santé publique et de l’environnement. Dans le prolongement d’une enquête journalistique indépendante, nos quatre organisations ont joué leur rôle de vigie : par notre signalement, nous avons démontré l’importance de la transparence du débat public et de la redevabilité des arguments qui y sont avancés par les lobbys. La perte de crédibilité du discours de Phyteis est aujourd’hui indéniable, alors même que des interdictions similaires d’exportation de produits phytosanitaires sont en discussion dans plusieurs pays européens et au niveau communautaire ».
La mise en demeure par le président du Sénat est une sanction déontologique et non pénale. Il n’y a donc pas d’amendes, ou de peine d’emprisonnement. Les quatre organisations se réjouissent qu’elle soit rendue publique – elle est publiée sur le site du Sénat. Pour que cette mise en demeure soit efficace, il est en effet essentiel que tout le monde puisse accéder aux arguments qui la justifient et aux (non) réponses apportées par Phyteis.
La HATVP avait déjà indiqué fin février qu’une investigation est en cours concernant les communications de Phytéis auprès des membres de l’exécutif. Elle devrait rendre ses conclusions prochainement.
Sources
- Communiqué de presse du Sénat – Lobbying sur les pesticides : mise en demeure de Phyteis.
- Communiqué de presse du signalement Transparency International France, foodwatch, l’Institut Veblen et Les Amis de la Terre France en février 2023
Contact
Transparency International – Benjamin Guy – benjamin.guy@transparency-france.org – 06 26 48 54 00
Les organisations signataires du signalement
Transparency International France
Transparency International France est la section française de Transparency International, un mouvement mondial de lutte contre la corruption sous toutes ses formes. Pour Transparency France, le lobbying peut s’inscrire dans la démocratie à condition qu’il soit transparent, intègre et équitable. La promotion de l’intégrité du lobbying est donc un des objectifs de plaidoyer de l’association
Les Amis de la Terre France
Les Amis de la Terre France sont une association de protection des droits humains et de l’environnement, à but non lucratif, indépendante de tout pouvoir politique ou religieux. Créée en 1970, elle a contribué à la fondation du mouvement écologiste français et à la formation du premier réseau écologiste mondial – Friends of the Earth International – présent dans 75 pays et réunissant 2 millions de membres sur les cinq continents. Le réseau des Amis de la Terre France lutte contre l’impunité des multinationales et pour l’encadrement de leurs activités de lobbying.
foodwatch
foodwatch est une organisation à but non lucratif qui se bat pour une alimentation sans risques, saine et abordable pour tous et toutes. Elle milite pour plus de transparence dans le secteur alimentaire, et défend le droit à une alimentation qui ne porte atteinte ni aux personnes, ni à l’environnement. Foodwatch, présente dans cinq pays européens dont la France, est un contre-pouvoir citoyen et lanceur d’alerte dans le secteur alimentaire.
Institut Veblen
L’Institut Veblen pour les réformes économiques est une association à but non lucratif, créée en 2010 qui œuvre pour une société dans laquelle le respect des limites physiques de la planète va de pair avec une économie inclusive et plus démocratique. Dans le cadre de ses activités, l’Institut Veblen a maintes fois expérimenté à quel point la transparence et l’encadrement des activités de lobbying sont des conditions nécessaires à la tenue d’un débat public éclairé et sincère sur la transition écologique et sociale. C’est pourquoi, il a également intégré cette question comme un objectif de plaidoyer à part entière.