Sondage | Défiants face aux politiques, les Français réclament davantage d’exemplarité et de moyens pour lutter contre la corruption
Paris, samedi 9 décembre 2023,
À l’occasion de la Journée mondiale de lutte contre la corruption, Transparency International France et la Fondation Jean-Jaurès publient une étude d’opinion sur l’attitude des Français face à la corruption réalisée par Harris Interactive. Ce sondage s’inscrit dans le prolongement d’une précédente étude réalisé en 2019.
Patrick Lefas, président de Transparency International France : « Alors que fleurissent les discours et initiatives politiques qui remettent en question les avancées obtenues en matière de transparence de la vie publique et de lutte contre la corruption, les Français sont clairs : ils demandent plus. Plus d’exemplarité, plus de transparence de la vie publique, plus de moyens pour la justice financière et plus de lanceurs d’alerte. Et ils se disent prêts à agir. »
Au terme d’une « décennie Cahuzac » qui a constitué un tournant du côté des institutions (création de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique, du Parquet national financier en 2013, de l’Agence française anticorruption et d’un statut pour les lanceurs d’alerte en 2016), comprendre l’attitude des Français face à la corruption est essentiel. Comment la perçoivent-ils ? Comment jugent-ils les comportements corruptifs ? Sont-ils résignés ou prêts à agir ? Réponses avec cette étude Toluna Harris : Attitudes des Français face à la corruption.
Les affaires se succèdent dans l’actualité politique, à toutes les échelles. Cela n’est pas sans conséquence sur la perception qu’ont les citoyens de la qualité de la vie démocratique et de la probité du personnel politique. Au delà du constat de la dégradation de la confiance des citoyens vis-à-vis des politiques, quelle est l’attitude de ces derniers face à la corruption ?
Ces questions ont été évoquées lors du débat organisé le 26 février par la Fondation Jean-Jaurès, dont la retransmission est disponible ci-dessus. Avec la participation de Daniel Boy, Antoine Bristielle, Camille Vigogne Le Coat et de notre responsable du plaidoyer « Vie publique » David Dupré.
Pour aller plus loin…
Retrouvez ci-dessous une analyse du sondage réalisée par Daniel Boy, directeur de recherche émérite au Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof), et administrateur à Transparency International France.
L’AMPLEUR DE LA CORRUPTION EN FRANCE : UNE PERCEPTION TRÈS NÉGATIVE
En cohérence avec d’autres études (Baromètre de la Confiance du CEVIPOF ou l’Eurobaromètre commandé par la Commission européenne), l’étude montre que les Français portent un jugement très net sur l’étendue du phénomène : 87% des Français estiment que les personnes exerçant des responsabilités sont « corrompues » ou « corrompues pour une grande partie d’entre elles ».
Parmi les responsables publics, seuls les maires (41%), les juges (45%) et les fonctionnaires (50% pour les fonctionnaires d’État et 46% pour les fonctionnaires territoriaux) bénéficient d’un jugement majoritairement positif.
La dynamique perçue n’est pas favorable : 46% des Français pensent qu’il y a plus de corruption qu’avant et 46% pensent qu’il y en a autant et seulement 7% jugent qu’elle baisse.
EXPERIENCE ET ATTITUDE FACE À LA CORRUPTION : UNE RÉALITE VÉCUE PAR UNE MINORITÉ SIGNIFICATIVE ET DES PRATIQUES JUGÉES SÉVÈREMENT
À côté d’une corruption qui touche les élites, les réponses des Français soulignent l’existence d’une corruption du quotidien, une corruption de proximité, une corruption concrète qui les affecte directement. Pour 25% des Français, la corruption est même une expérience à laquelle ils ont été confrontés personnellement et 39% en ont entendu parler autour d’eux.Ce résultat est plutôt inquiétant.
Dans une époque qu’on décrit souvent en manque de repères, les Français estiment que toutes les situations concrètes présentées dans le sondage sont graves, qu’elles concernent la corruption locale ou nationale, la corruption politique ou la corruption privée (abus de bien social). Ces comportements sont jugés graves entre 65% et 91%. Les Français jugent également sévèrement un ensemble de comportements déviants (fraudes et tricheries diverses) et qualifient toutes les situations concrètes présentées dans l’étude comme « grave » ou « très grave », entre 51% et 87% selon les cas.
ALERTE ET SIGNALEMENT : DES FRANÇAIS PRÊTS À AGIR
Loin de se résigner, les Français pensent qu’il faut en faire plus face à la corruption : plus de moyens pour la justice, plus de règles de transparence de la vie publique et plus de mobilisation de la société civile (lanceurs d’alerte, associations…). Ils se déclarent prêts à signaler des actes de corruption à 68%, en s’adressant prioritairement à la police (59%), à la justice (44%) mais aussi aux associations (36%).
Une minorité de Français est plus résignée : 32% de répondants qui n’envisagent pas de signaler se justifient en indiquant qu’ils n’aiment pas dénoncer (30%), que ça ne sert à rien (29%) ou qu’ils craignent les représailles (20%).
LUTTE CONTRE LA CORRUPTION : LES FRANÇAIS EN VEULENT PLUS
En matière de lutte contre la corruption, les Français jugent que les lanceurs d’alerte jouent le rôle le plus important (44%), devant la justice (43%), l’Etat en général (33%), les associations (27%) ou la presse (23%). Ils reconnaissent qu’ils ont un rôle indispensable à la révélation d’une délinquance cachée et difficile à détecter.
3 français sur 4 considèrent qu’il faut renforcer les moyens de la justice pour enquêter et poursuivre des faits de corruption. 49% jugent que les condamnations judiciaires ne sont ni plus ni moins sévères que par le passé, 27% pensent qu’elles sont moins sévères et 23 % qu’elles le sont plus.
70% des Français estiment qu’un ministre mis en examen dans une affaire de corruption devrait démissionner. Les Français ne valident donc pas la pratique de l’exécutif depuis l’été 2017, qui a clairement rompu avec la jurisprudence Bérégovoy-Balladur.
Les Français semblent indifférents aux discours sur les excès de la transparence puisque seuls 10% des Français pensent que les règles de transparence sont trop strictes et 61% jugent qu’elles ne sont pas assez strictes.
Pour protéger l’intérêt général, une majorité de Français (63%) acceptent que les représentants d’intérêts, c’est-à-dire les lobbies puissent rencontrer des responsables politiques à condition que les rendez-vous soient répertoriés et rendus publics.
Au total cette étude doit donner matière aux décideurs publics à agir plus efficacement dans la lutte contre la corruption.
CONTACTS PRESSE
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