Le 25 septembre 2024 le Défenseur des droits a publié son rapport bisannuel sur La protection des lanceurs d’alerte en France. Depuis la loi Sapin II en 2016[1] puis la loi Wasermann en date du 21 mars 2022[2], la compétence du Défenseur des droits en matière d’accompagnement et de protection des lanceurs d’alerte a été renforcée, avec comme objectif, d’améliorer la sauvegarde de leurs droits.
Ainsi, en 2023 le Défenseur des droits a été sollicité 168 fois pour des demandes de défense relatives à des mesures de représailles (lorsque le Défenseur des droits est saisi pour prendre position sur l’existence de mesures de représailles subies par un lanceur d’alerte) contre 60 fois en 2022 ; s’agissant du traitement de l’alerte il n’avait été saisi qu’une seule fois en 2022 contre 68 fois en 2023 ; enfin il a été sollicité 77 fois pour des demandes de certification en 2023 tandis qu’il n’avait été sollicité que 40 fois en 2022. Dans ce dernier cas, le Défenseur des droits peut prendre position sur la situation du signalant, qui, avec la certification, pourra en aviser son employeur afin d’être protégé contre d’éventuelles représailles.
Le rapport salue les progrès de la législation française, mais souligne des lacunes persistantes qui ne permettent pas d’atteindre les objectifs fixés par la loi tenant au traitement des alertes qui empêchent le Défenseur des droits d’être efficace dans ce domaine d’intervention. En effet, le statut du lanceur d’alerte est encore méconnu, ne permettant pas à celui-ci d’exercer ses droits notamment s’agissant du mécanisme de soutien psychologique prévu par la législation qui est, en pratique, inexistant. Le Défenseur des droits réclame davantage de protection à l’égard des associations qui agissent comme « facilitateurs » et souhaite une visibilité accrue de l’alerte dans le secteur public et dans le secteur privé. Enfin le Défenseur des droits déplore l’absence de dispositif de protection dans le domaine de la défense et de la sécurité nationale, ce qui a pour conséquence de dissuader les « démarches d’alerte en ce domaine où les enjeux, notamment financiers, sont particulièrement importants ».
La protection des lanceurs d’alerte a été accrue grâce à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) qui reconnait aux « donneurs d’alerte » une protection de leur droit à la liberté d’expression conformément à l’article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CESDH).
Dans le cadre des travaux préparatoires, Transparency international France a fait valoir auprès du Défenseur des droits la position de l’organisation. Laurence Fabre, responsable du secteur privé dresse un bilan similaire à celui du Défenseur des droits : la législation française est relativement complète mais le dispositif « manque de visibilité et de pédagogie pour en faire un véritable outil citoyen et responsable au service de l’intérêt général ». Il faut dès lors continuer de favoriser une culture de l’alerte au sein des entreprises et permettre aux lanceurs d’alerte d’exercer leurs droits pleinement. La culture de l’alerte se développera également par une sensibilisation du grand public et une politique gouvernementale à la hauteur des exigences demandées par la loi. En outre, Transparency International dans son plaidoyer constant, demande à ce que les lanceurs d’alerte puissent effectivement bénéficier d’un soutien financier et psychologique. « Il faut désormais que les textes et les actes convergent », explique Laurence Fabre.
[1] LOI n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (1)
[2] LOI n° 2022-401 du 21 mars 2022 visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte (1)