En juin 2024 s’est tenue la International Anti-Corruption Conference (IACC) à Vilnius. À l’occasion d’une table ronde sur le contentieux stratégique, Transparency International France a eu l’opportunité d’exposer le combat juridique qui a contribué à renforcer le cadre légal français en matière de lutte contre la corruption.
L’obtention de l’intérêt à agir des associations anti-corruption en France résulte d’une longue bataille judiciaire. Celle-ci remonte à 2007 avec l’affaire des biens mal-acquis et fait suite à la publication d’un rapport documentant l’acquisition litigieuse de nombreux biens immobiliers par des dirigeants étrangers en France. Sur cette base, des associations dont Transparency International France ont déposé plusieurs plaintes qui ont d’abord été classées sans suite.
Les règles de la procédure pénale française permettent aux victimes d’outrepasser la décision du Procureur lorsque celui-ci refuse d’ouvrir une enquête ou décide de la clôturer. En effet, la victime peut déposer une plainte avec constitution de partie civile auprès d’un juge d’instruction et contester la décision de clôture d’une enquête auprès de la Cour d’appel.
A l’époque, les associations anti-corruption n’étaient pas encore reconnues comme des victimes dans la procédure pénale. Celles-ci ont toutefois déposé une plainte avec constitution de partie civile notamment contre Teodorin Obiang, Vice-Président de la Guinée Équatoriale. Il faudra attendre 2010 pour que la Cour de cassation reconnaisse enfin l’intérêt à agir en justice des associations de lutte contre la corruption. Cette décision a ensuite été codifiée en 2013.
« Le contentieux stratégique est une bataille de tous les jours, mais il a changé la donne pour les organisations de la société civile en leur permettant d’engager des procédures judiciaires, de mener des campagnes de plaidoyer et de changer les normes sociales«
Charlotte Palmieri, chargée de contentieux et plaidoyer flux financiers illicites à Transparency International France.
La mise en œuvre du contentieux stratégique en matière de corruption internationale en France a ainsi permis :
- La condamnation de deux dirigeants étrangers pour des affaires de biens mal-acquis ;
- La consécration de l’intérêt à agir de trois associations de lutte contre la corruption ;
- Plus de 20 affaires de biens mal-acquis qui font l’objet d’une enquête ou d’une instruction ;
- Plus de 250 millions d’euros définitivement confisqués ;
- Des premières restitutions en cours, notamment auprès de la Guinée équatoriale, en application d’une loi de 2021 introduisant un mécanisme responsable de restitution des avoirs conformément au plaidoyer actif porté par TI France.
Sur les quinze dernières années, le paysage français de la lutte contre la corruption s’est considérablement développé. Le Parquet National Financier (PNF), spécialisé en matière de grande délinquance économique et financière, a été mis en place en 2013. Grâce à leur réseau international, les ONG peuvent partager des informations essentielles avec le PNF, dont certaines sont particulièrement difficiles à obtenir par les parquets dans un premier temps.
« Les associations anti-corruption détectent les violations et nous en informent.«
Céline GUILLET, Premier vice procureur financier au Parquet national financier (PNF)
Si le contentieux stratégique se développe, il reste encore sous-utilisé par les acteurs mondiaux de la lutte contre la corruption. Il est pourtant un outil indispensable pour les organisations de la société civile afin d’initier des combats pour l’obtention de l’intérêt à agir, porter des cas devant des juridictions étrangères et soutenir des réformes législatives ambitieuses en matière de restitution des biens mal acquis.
Face au défi de la grande corruption, le combat doit être favorisé par une collaboration internationale et mené par une multiplicité d’acteurs. C’est pour cette raison que TI France propose des modules de formation à toutes les OSC étrangères désireuses de porter leurs cas en France ou d’échanger sur l’expérience française.
Vous êtes une organisation de la société civile étrangère ? Vous souhaitez en apprendre davantage sur le cadre légal français ? Transparency International France propose de délivrer des formations pour partager l’expérience française en matière de contentieux stratégique.
Contactez notre chargée de plaidoyer, Charlotte Palmieri