En février 2024, Transparency International France a adressé un signalement à la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique (HATVP) visant un potentiel délit pénal de non déclaration d’activité de lobbying de la part de Nestlé Waters. Ce signalement faisait suite à des révélations indiquant que des représentants de Nestlé avaient rencontré en 2021 des membres du cabinet de la ministre de l’Industrie, Agnès Panier-Runacher. Or Nestlé Waters ne s’est enregistrée en tant que lobby auprès de la HATVP qu’en octobre 2022, soit plus d’un an après ce rendez-vous secret. Et l’entreprise et son prestataire, le cabinet de conseil en lobbying Brunswick, n’ont déclaré des activités de lobbying qu’à partir de l’année 2022, en se contentant de la très vague formulation « Clarifier les modalités d’application des réglementations applicables aux sites industriels, au regard des impacts du changement climatique », alors même qu’il s’agissait d’une campagne de lobbying intense, structurée et précise visant à obtenir une modification de la réglementation sur la filtration des eaux minérales sous la menace d’un chantage à l’emploi.
Ce mardi 4 février, une enquête conjointe de Radio France et du journal Le Monde a mis en lumière des échanges de courriels et de notes ministérielles démontrant que l’exécutif a privilégié les intérêts de Nestlé au détriment des consommateurs. Malgré les alertes des autorités de santé concernant des risques pour la santé publique, notamment d’ordre virologique, le groupe suisse a été autorisé à continuer à commercialiser ses eaux en bouteille utilisant des filtres illégaux. Cette affaire a été suivie et arbitrée jusqu’au sommet de l’État, à l’Élysée.
D’après une recherche approfondie dans le répertoire des représentants d’intérêts de la HATVP, Transparency International pas été en mesure de retrouver trace d’une action déclarée par une filiale de Nestlé, ou un de ses mandataires, qui pourrait correspondre à ses rencontres avec des conseillers de l’Elysée, dont le secrétaire général, Alexis Kolher.
Transparency International France demande donc à la HATVP d’examiner ces nouvelles informations sur les rendez-vous non déclarés avec les conseillers de l’Élysée, et exige que la HATVP rende publique sans délai les conclusions de sa précédente enquête.
Il en va de la crédibilité de notre système démocratique et de la protection de la santé publique. Pour rappel, le fait, pour un représentant de ne pas communiquer, de sa propre initiative ou à la demande de la HATVP, les informations qu’il est tenu de communiquer à cette dernière en application de l’article 18-3 est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende.
Ces nouvelles révélations sont également révélatrices des lacunes de l’encadrement du lobbying en France. Quand bien même Nestlé Waters serait en conformité avec ses obligations légales déclaratives sur ses activités de lobbying, la loi Sapin 2 de 2016 qui a créé un répertoire des lobbys impose seulement d’y déclarer tardivement et de façon très vague le type de décision publique visé, la catégorie des responsables publics rencontrés et un très flou « objet » de l’action de lobbying. Transparency France appelle à la révision de cet encadrement avec une publication obligatoire de l’identité des responsables publics visés par les actions de lobbying, la référence exacte des textes légaux visés, l’identité des responsables publics visés et les documents de lobbying envoyés, sur le modèle du répertoire allemand de transparence du lobbying. Les membres du gouvernement et leur administration devraient également avoir l’obligation de déclarer leurs rendez-vous avec des lobbyistes, sur le modèle de la commission européenne ou du gouvernement britannique.
Pour plus d’informations:
Kevin Gernier, responsable influence indue et intégrité publique – kevin.gernier@transparency-france.org – 06 66 04 25 45