Le 14 mai 2025, la commission d’enquête du Sénat a rendu public un rapport accablant sur les pratiques des industriels de l’eau en bouteille, en particulier celles du groupe Nestlé Waters. Derrière ce scandale sanitaire et réglementaire se cache une autre histoire : celle d’un dysfonctionnement majeur de l’État face aux intérêts privés. Une partie des conclusions de cette commission fait écho aux recommandations que Transparency International France avait formulées sur les conventions judiciaire d’intérêt public (CJIP) dans sa contribution de mai 2025. Décryptage.
Une CJIP environnementale détournée de son objectif initial
Transparency International France alerte depuis plusieurs mois sur le détournement de la CJIP de son objet initial. Conçue dans le cadre de la loi Sapin II pour lutter contre la corruption internationale, elle a été utilisée dans le dossier Nestlé Waters pour éviter un procès pénal public, y compris pour des faits de tromperie à grande échelle sur la qualité des eaux.
La commission d’enquête valide cette critique en pointant un recours injustifié à une justice négociée pour des faits graves, commis exclusivement en France, qui auraient dû être jugés publiquement. Ce choix, selon le rapport sénatorial, a nui à la confiance des citoyens dans l’État de droit et a contribué à une forme d’impunité pour les industriels.
Lanceurs d’alerte et victimes : les grands oubliés de la justice négociée
Transparency International France a plaidé pour une meilleure reconnaissance du rôle des lanceurs d’alerte et des victimes dans les procédures alternatives aux poursuites. Dans l’affaire Nestlé Waters, c’est un lanceur d’alerte interne qui a permis de révéler le scandale, et pourtant, aucun mécanisme n’a garanti sa protection.
Le rapport du Sénat abonde dans ce sens : il souligne les tentatives de dissimulation organisées par l’entreprise et l’État, et rappelle que l’information n’a été partagée ni avec les autorités locales ni avec les consommateurs. Un dysfonctionnement majeur que Transparency International France dénonce depuis longtemps : sans transparence, ni protection des témoins, la justice négociée perd toute légitimité.
Manque de transparence
La décision de recourir à cette convention n’a pas été comprise par une partie du grand public et soulève des interrogations. En particulier, le montant de l’amende d’intérêt public infligée à Nestlé Waters, qui aurait pu, selon les textes, être beaucoup plus élevée, jusqu’à 30 % du chiffre d’affaires annuel, n’a pas fait l’objet d’explications étayées. Cette absence de précision peut donner l’impression d’un manque de transparence et d’une atténuation de la sanction. Aussi la commission estime-t-elle nécessaire que la chancellerie établisse des Lignes directrices sur la mise en oeuvre de la convention judiciaire d’intérêt public environnementale, à l’instar de celles publiées en janvier 2023 par le parquet national financier pour les CJIP « financières. Transparency France recommande que chaque CJIP soit pleinement motivée et rendue publique, afin que les citoyens puissent comprendre les faits, les choix juridiques et les montants des amendes négociées.
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