Nous vous écrivons à un moment charnière de la lutte de l’Union européenne contre la corruption. Alors que les négociations interinstitutionnelles sur le paquet législatif anti-corruption de l’UE atteignent un stade critique, nous [description ou nombre de signataires] de toute l’UE vous demandons instamment de préserver et de renforcer les amendements ambitieux proposés par le Parlement européen en février 2024. La manière dont les colégislateurs choisiront de procéder sur un grand nombre de questions cruciales soulevées par les propositions révélera si le bloc est réellement engagé dans la lutte et la prévention de la corruption dans l’ensemble de l’Union. L’UE peut faire preuve d’un engagement réel, et ne pas manquer une opportunité historique, en montrant son leadership dans la lutte contre la corruption.
Il est essentiel que le Conseil saisisse cette opportunité unique pour s’opposer au narratif émergent d’un manque d’engagement dans la lutte contre la corruption. L’enquête 2021 de Transparency International[1] a montré que seuls 21 % des résidents de l’UE pensent que les fonctionnaires font souvent l’objet de sanctions appropriées en cas de corruption, tandis que 53 % d’entre eux estiment que leur gouvernement est dirigé par quelques grands intérêts qui ne cherchent qu’à se protéger. Dans l’indice de perception de la corruption le plus récent[2], le score moyen de tous les États membres a connu sa plus forte baisse depuis 2015. Ces préoccupations ont été renforcées par les récentes controverses au sein de l’Union, telles que le Qatargate et le scandale Huawei. Face aux défis mondiaux, l’heure n’est pas aux demi-mesures. Il incombe à chaque État membre de répondre de manière décisive aux risques de corruption, en s’appuyant sur la position adoptée par le Parlement européen, et non en l’affaiblissant.
Le Parlement européen a fait preuve d’une réelle ambition dans les amendements qu’il a proposés en février 2024 et il est essentiel qu’il maintienne la position adoptée. Nombre de ces propositions ne sont pas nouvelles pour l’Union puisqu’elles sont déjà utilisées par plusieurs États membres. Les colégislateurs devraient profiter de l’occasion pour élever le niveau législatif de l’Union à partir d’approches éprouvées et testées dans toute l’Union. Pour renforcer la mise en œuvre, Transparency International a identifié des éléments clés qui doivent être inclus dans le texte final. Entre autres, nous demandons instamment que la directive comprenne :
1. Un manquement effectif à l’obligation de prévenir les infractions pour les personnes morales, conformément aux meilleures pratiques internationales du Royaume-Uni, de l’Australie et d’autres pays;
2. L’obligation d’établir un cadre efficace et transparent sur l’utilisation des résolutions non judiciaires avec les personnes morales;
3. Un article sur les droits et les recours des personnes morales ; et un article sur les droits et les recours des victimes de la corruption, y compris une obligation d’appliquer la directive sur les droits des victimes aux victimes de la corruption;
4. Une obligation de veiller à ce que les organisations de la société civile puissent représenter l’intérêt public en tant que représentants qualifiés dans les procédures pénales, conformément à la législation européenne existante sur les actions représentatives, ainsi qu’à la législation européenne de longue date dans le domaine de la protection des consommateurs, de la protection de l’environnement et de la lutte contre les discriminations.
Ces changements permettraient aux Etats membres de mieux s’attaquer aux actes de corruption les plus graves lorsqu’ils se produisent et de rendre justice aux victimes.
L’application de la loi contre les actes de corruption doit également s’accompagner d’un engagement équivalent à les arrêter avant qu’ils ne se produisent. Nous vous demandons instamment de mettre en place des outils significatifs pour prévenir la corruption dans l’ensemble de l’Union afin qu’aucun pays ne puisse être considéré comme un maillon faible. Les co-législateurs doivent s’assurer que la directive inclut des outils tels que :
1. Des règles efficaces pour la divulgation périodique et basée sur le risque, la vérification et la publication du patrimoine et des intérêts des fonctionnaires;
2. L’accès aux informations d’intérêt public dans des formats de données ouverts;
3. Une transparence efficace des informations financières des partis politiques, des candidats et d’autres tiers cherchant à influencer les résultats des élections, y compris des règles pour faciliter l’audit des rapports en temps opportun;
4. La mise en place d’informations minimales requises pour la divulgation publique de l’information;
5. L’établissement d’un minimum d’informations à divulguer publiquement en ce qui concerne l’interaction entre les agents publics et les personnes ou entités privées qui représentent des intérêts, y compris la publication proactive des réunions de lobbying.
Le coût de la lutte contre la corruption peut diminuer au fil du temps si ces idées sont mises en œuvre avec succès pour décourager et dissuader les acteurs corrompus.
C’est un moment crucial pour les ministres et les décideurs politiques de l’UE au cours duquel ils peuvent montrer qu’ils sont prêts à répondre aux inquiétudes des citoyens. Vos institutions ont le pouvoir de fixer des normes anti-corruption qui résonnent au-delà de l’UE. Une directive forte ne réaffirme pas seulement votre engagement à lutter contre la corruption dans l’ensemble de l’Union mais prouve également que vous saisissez ce moment politique pour vous attaquer à un obstacle qui sape la capacité de l’Union à relever les défis mondiaux.
[1] Baromètre mondial de la corruption (2021) : https://www.transparency.org/en/news/gcb-eu-2021-survey-people-worry-corruption-unchecked-impunity-business-politics2 Indice de perception de la corruption
[2] Index de perception de la corruption (2024) : https://www.transparency.org/en/cpi/2024 ; Eurostat :
https://ec.europa.eu/eurostat/databrowser/view/sdg_16_50/default/table