En cette journée mondiale des lanceurs d’alerte, de nombreuses entreprises et institutions communiquent en interne et en externe sur les dispositifs d’alerte professionnels et plus particulièrement sur les garanties offertes aux lanceurs d’alerte, afin d’assurer la protection à laquelle ils ont droit depuis la loi du 21 mars 2022, dite loi Waserman[1].
Selon le Baromètre du Climat Ethique 2025 du Cercle d’Ethique des Affaires, les efforts menés dans les entreprises semblent améliorer la connaissance des dispositifs et la confiance des salariés[2]: en effet, les dispositifs d’alerte professionnels sont connus de plus des 3/4 des salariés, et 8 salariés sur 10 se disent prêts à lancer une alerte[3]. Ces chiffres peuvent être plus importants dans les entreprises qui ont internalisé le baromètre via un questionnaire dédié et qui se comparent annuellement au Baromêtre.
Mais ont- il confiance dans la protection qui doit leur être accordée lors de l’enquête qui suivra ? Seuls 64% des salariés ont confiance dans l’entreprise pour assurer leur protection ; et ils ne reporteraient pas un problème éthique par crainte de représailles[4] pour 64% d’entre eux.
Au-delà de l’engagement promu, la réalité semble donc interroger les conditions dans lesquelles sont menées les enquêtes internes ; Et en conséquence la capacité des organisations à promouvoir une parole libre de craintes.
L’impartialité et l’indépendance sont pourtant au cœur des enjeux de confiance et l’enquête menée doit être à même d’en témoigner.
Pour ce faire,
- la procédure d’enquête doit être connue et accessible aux salariés par la communication et la pédagogie promue en interne
- Les enquéteurs doivent être formés avant toute action menée, notamment sur les enjeux de confidentialité. Dans les parcours de certifcation interne ou externe, une place importante est donnée aux techniques d’écoute active, à la prévention des biais cognitifs.
- Chaque personne entendue doit sentir la neutralité de l’écoute afin de pouvoir confier sans jugement ni interprétation ce qu’elle souhaite signaler. Cette démarche doit se dérouler jusqu’à la fin de l’enquête. Cela nécessite d’agir avec méthode et rigueur quelles que soient les conditions de recueil de l’alerte (notamment alertes anonymes).
- L’enquête doit assurer une collecte des informations exempte de toute interprétation ou analyse juridique prématurée : les conclusions de l’enquête doivent se baser sur les faits établis et prouvés. L’étude des faits doit être complète en prenant le soin d’examiner l’ensemble des éléments susceptibles d’en rapporter la véracité.
- L’enquête doit être menée par des enquêteurs indépendants et l’entreprise doit veiller à ce que l’enquête soit menée dans des conditions qui assurent aux enquêteurs une totale liberté d’action dans l’exercice de leurs missions.
- L’enquête doit être impartiale, c’est-à-dire que l’entreprise doit veiller à ce qu’il n’existe aucun conflit d’intérêt entre l’équipe d’enquête et les protagonistes de l’alerte ; Si cette indépendance nécessite l’absence de lien personnel, elle requiert également d’interroger les liens professionnels qui pourraient mettre à mal cette impartialité [5]. En outre, quid d’une enquête qui viendrait engager la responsabilité des directeurs et autres dirigeants, dont la société viendrait à devoir assurer la défense ? Quid de la confiance du lanceur d’alerte si les enquêteurs ne disposent pas de l’indépendance nécessaire à l’exercice de leurs missions, ou si les enquêteurs ont aussi la charge de la défense de la société ? Sans garantie claire et explicite d’impartialité, aucun lanceur d’alerte ne peut se risquer à un quelconque signalement.
À travers la mise en œuvre rigoureuse de ces principes d’impartialités et d’indépendance, les entreprises peuvent renforcer leur culture éthique et encourager leurs salariés à s’exprimer librement sur les comportements non conformes, dans un cadre constructif et sécurisant.
En cette journée mondiale des lanceurs d’alerte, prenons le temps de réfléchir à ce que cela signifie véritablement dans nos entreprises. Un engagement authentique pour une protection effective des lanceurs d’alerte ne dépend pas uniquement de politiques et de règlements, mais d’une approche collective impliquant chaque acteur pour détecter les infractions mais également les pratiques non éthiques.
Les lanceurs d’alerte ont besoin de confiance ; les organisations, collectivement impliquées doivent en créer les conditions, au bénéfice de tous .
Pour aller plus loin :

[1] https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000045388745
[3] Quelques données publiées par le Journal La Croix : https://www.la-croix.com/economie/exclusif-ethique-des-entreprises-la-confiance-des-salaries-recule-a-nouveau-20250522
[4] Refus de promotion par exemple
[5] Enquêteur dont le n+1 est pair de la personne mise en cause ;