COMMUNIQUÉ | TI France dénonce le dévoiement de la convention judiciaire d’intérêt public

Alors que Nestlé Waters vient de conclure une convention judiciaire d’intérêt public qui met fin aux poursuites pénales, pour des faits d’atteinte à l’environnement, sans inscription de condamnation au casier judiciaire, Transparency International France dénonce le dévoiement de ce mécanisme transactionnel et rappelle que la convention judiciaire d’intérêt public ne saurait se substituer à la responsabilité pénale des personnes morales.

Introduite en droit français par la loi « Sapin 2 » du 9 décembre 2016, la convention judiciaire d’intérêt public (CJIP) a constitué une innovation juridique majeure pour sanctionner initialement les manquements les plus graves à la probité. Grâce à ce dispositif, le Procureur de la République, sous le contrôle du juge du siège, peut désormais ouvrir avec les entreprises une phase de négociation, puis transiger en contrepartie de l’acceptation par ces dernières du paiement d’une amende, de l’indemnisation des victimes, et/ou d’un plan de mise en conformité. Elle intervient après de longues années d’absence de poursuites pour des faits de corruption transnationale, affaires complexes nécessitant des moyens et des temps d’investigation hors norme.

Pour Transparency international France la convention judiciaire d’intérêt public n’est ni une facilité de poursuite pour le Parquet, faute de temps et de moyens pour enquêter, ni un droit pour les entreprises, leurs dirigeants, leurs collaborateurs et leurs actionnaires, de gérer le risque pénal. Elle a été conçue et doit demeurer comme tel un outil pertinent visant à sanctionner plus efficacement et plus rapidement les manquements à la probité dans le champ défini par la loi (faits de corruption ou de trafic d’influence actifs ou passifs, de fraude fiscale, de leur blanchiment ou de toute infraction connexe) dans des affaires complexes, pouvant impliquer un ou plusieurs pays étrangers. C’est ce seul critère d’intérêt public qui doit guider le recours à un tel dispositif.

Or, Transparency International France constate que les dernières évolutions législatives relatives à l’instauration d’une convention judiciaire d’intérêt public pour des infractions en lien avec l’environnement [1], leur application et l’interprétation qu’en donnent les circulaires ministérielles, en dernier lieu la circulaire du 11 mai 2021 [2] relative à la mise en œuvre de la justice environnementale malmènent le critère d’intérêt public.

Ce dévoiement est illustré par la convention judiciaire d’intérêt public qui vient d’être conclue par le Parquet d’Epinal et Nestlé Waters. Le refus de certaines associations [3], parties civiles dans le dossier Nestlé Waters, d’être indemnisées dans le cadre de la convention conclue le 9 septembre 2024 est une preuve de non prise en compte de l’intérêt public.

Transparency International France rappelle que la convention judiciaire d’intérêt public doit rester un mode alternatif aux poursuites, dérogatoire au droit commun, qui ne saurait valoir dans toutes les affaires pénales, pour toutes les infractions concernant les entreprises et pour lesquelles aucun intérêt public ne saurait en justifier le recours.

Cela est d’autant plus nécessaire que les négociations entre le Parquet et l’entreprise concernée ne sont pas publiques, que les victimes ne participent pas à la négociation sur l’action publique et qu’en outre, elles ne bénéficient pas d’un procès pénal public dont elles pourraient être les acteurs.

Ce dévoiement entretient un sentiment d’injustice préjudiciable à la lutte contre les infractions en cause et à tous ceux qui assurent ce combat.


Pour aller plus loin

Note de position de TI-France sur la Convention judiciaire d’intérêt public, janvier 2023

Rapport d’étude : quelle place pour les victimes dans la CJIP, juin 2024

Contact : laurence.fabre@transparency-france.org


[1] En effet, la loi du 24 décembre 2020, relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée, a créé une convention judiciaire d’intérêt public en matière environnementale

[2] https://www.legifrance.gouv.fr/circulaire/id/45184?origin=list&page=2

[3] https://www.foodwatch.org/fr/communiques-de-presse/2024/eaux-traitees-illegalement-foodwatch-refuse-largent-de-nestle-waters

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