Transparency International France inquiète des conséquences en matière de transparence de la vie publique suite à la décision du Conseil d’Etat dans l’affaire « Institut Montaigne »

Par une décision du 14 octobre 2024, le Conseil d’Etat a donné raison à l’Institut Montaigne qui contestait les lignes directrices de la HATVP du 1er octobre 2023 qui assimilaient les think tanks à des représentants d’intérêts s’ils remplissaient les critères matériels s’appliquant sans distinction à toutes les personnes morales susceptibles de faire du lobbying. Cette décision exonère donc l’Institut Montaigne et toutes les organisations se revendiquant comme « think-tank » d’obligations de transparence sur leurs actions de lobbying, à partir du moment où leur « gouvernance » et leurs « conditions de financement » leur permettent de démontrer qu’elles ne poursuivent pas « la défense d’un intérêt particulier ou catégoriel ». Indépendamment du fait que cet institut est largement financé par des entreprises et pèse par ses études sur les décisions publiques, ces derniers critères juridiques sont inédits car ils n’avaient pas été prévus par la loi ou le décret d’application relatif au répertoire des représentants d’intérêts, et le Conseil d’Etat s’est bien gardé de les définir plus précisément.

Jusqu’à présent la justice administrative avait toujours donnée raison à la HATVP quand des requérants contestaient son interprétation rigoureuse de la loi. Pour appuyer son argumentation juridique, le Conseil d’Etat affirme qu’une organisation devrait défendre des intérêts « particuliers ou catégoriels » pour rentrer dans le champ d’application de la loi Sapin 2. Ce point est particulièrement surprenant, puisque lors des débats sur la loi Sapin 2 en 2016, le rapporteur du texte à l’Assemblée nationale avait indiqué clairement préférer une simple définition matérielle de la représentation d’intérêt, dépendant des actions de communication entreprises pour influencer la décision publique, à une trop complexe définition organique, reposant sur le type d’intérêt poursuivi par l’organisation. La définition matérielle est celle qui a été retenue par le législateur puisqu’un amendement prévoyant de limiter les obligations déclaratives aux représentants d’intérêts « privés » avait été rejeté en séance publique.

Cette décision est également singulière au niveau mondial, puisque les juridictions qui ont choisi de se doter d’un répertoire complet des lobbys font pour la plupart le choix d’y inclure les organismes de recherche sans chercher à distinguer la nature de l’intérêt poursuivi. Ainsi, au niveau européen, 565 organisations sont enregistrées au répertoire de transparence en tant que « think tank ou institution de recherche » sans que cela nuise à leur capacité à contribuer au débat public ou à protéger leurs sources.

Avec sa décision non susceptible de recours, le Conseil d’Etat ouvre une nouvelle brèche dans un répertoire des lobbys qui en contient déjà un grand nombre en raison d’un décret d’application qui avait vidé la loi de sa substance. Cette décision rendra plus complexe les missions d’une HATVP en manque de moyens pour contrôler les représentants d’intérêts. Il suffira à une organisation de se revendiquer comme « think tank », une catégorie non définie par la loi, pour s’exonérer de déclaration.

Cette décision doit être une opportunité pour réviser enfin le décret d’application sur le répertoire des représentants, en corrigeant ses failles anciennes et en fixant précisément la portée de la décision du Conseil d’Etat.

Contact presse : kevin.gernier@transparency-france.org / 06 66 04 25 45

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