Le média EU press rapporte que la commission européenne organisera une consultation à huis clos sur le règlement omnibus ce jeudi 6 février. L’ordre du jour comprend des discussions d’une heure sur les dossiers clés suivants la Directive relative à la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises (CSRD), la Corporate Sustainability Due Diligence Directive (CSDDD), la taxonomie verte de l’UE, le Mécanisme d’Ajustement Carbone aux Frontières (CBAM). Une heure pour « simplifier » 4 dossiers ?
Simplifier au nom de la compétitivité économique comme l’a recommandé le rapport Draghi, simplifier au nom de la multiplicité des textes, simplifier au nom de la nécessaire prospérité de l’Europe dans un contexte mondial aux équilibres fragiles. La Commission européenne s’apprête à publier, le 26 février prochain, un important paquet législatif appelé « omnibus » destiné à réduire les charges administratives et réglementaires pesant sur les entreprises européennes, notamment en matière de rapport de durabilité et de devoir de vigilance, tout en maintenant les objectifs de transition écologique.
Depuis des mois les grandes entreprises se préparent à publier dans leur rapport de gestion ou dans un rapport distinct des informations en matière de durabilité ou un état de durabilité qui résultent de la Directive CSRD transposée en un temps record par la France. Elles se préparent aussi, en application de la directive CS3D qui reste à transposer, à intégrer à un horizon plus éloigné (2027-2029) le devoir de vigilance dans les politiques et les systèmes de gestion des risques de l’entreprise et à adopter, puis mettre en œuvre un plan de transition pour l’atténuation du changement climatique. Beaucoup ont embauché et ont formé leur personnel afin d’être prêtes à publier le rapport de durabilité, attendu notamment par les investisseurs responsables. Dans ces règlementations, la lutte contre la corruption figure en bonne place.
Au nom de la simplification, faut-il que les acteurs économiques renoncent à mettre en œuvre et à divulguer leur politique en matière de lutte contre la corruption pour être plus compétitif et mieux armé face aux défis sociétaux actuels, alors même que la corruption ronge nos économies, menace la sécurité quotidienne de nos concitoyens, accroît le déficit concurrentiel, et mine la compétitivité des entreprises ?
Quelle cohérence y a-t-il à expliquer aujourd’hui que leurs efforts étaient inutiles après leur avoir demandé d’être le fer de lance de la transition climatique et de la nécessaire garantie du respect des droits humains ? Derrière cette simplification, comment ne pas y voir un affaiblissement des standards en matière de durabilité, de protection de l’environnement, de protection des droits humains et au cœur de tout cela, de la lutte contre la corruption ?
Lutter contre la corruption implique de rendre compte et de divulguer les informations utiles à l’appréciation de l’engagement de l’instance dirigeante, seule à même de porter les valeurs d’une éthique des affaires.
Les textes sont complexes : donnons aux entreprises le temps de s’y acclimater, accompagnons les pour transformer la contrainte règlementaire en opportunité de réflexions autour de sujets incontournables qui affaiblissent leur dynamique et la concurrence.
Dans ce contexte, Transparency International France, qui s’adresse aux entreprises et les accompagne dans leurs politiques d’intégrité, regrette l’absence totale de lisibilité de la Commission européenne dans ses annonces de « simplification ». Elle ne peut qu’y voir le recul des combats menés pour que la lutte contre la corruption soit mieux prise en compte par les acteurs privés dans la réalisation de leur objet social. Elle souhaite en tout cas que les organisations de la société civile soient associées au même titre que les opérateurs industriels aux arbitrages qui seront rendus en matière de simplification.
Laurence Fabre – Responsable plaidoyer secteur privé