La corruption menace des fonds climatiques vitaux dans le monde entier : une meilleure protection est indispensable pour protéger des milliards de personnes vulnérables. Selon l’Indice de perception de la corruption (IPC) 2024, publié aujourd’hui par Transparency International, les niveaux de corruption restent alarmants de par le monde, et la lutte contre la corruption s’essouffle. Le rapport a mis en évidence de graves niveaux de corruption dans le monde entier, plus de deux tiers des pays obtenant une note inférieure à 50 pour 100. La moyenne mondiale de l’Indice reste de 43, ce qui montre à quel point il est urgent de prendre des mesures pour lutter contre la corruption. Il s’agit d’une véritable mise en garde contre un redoutable obstacle mondial à la mise en œuvre d’une action climatique fructueuse.
Dans un contexte de réchauffement climatique record et de phénomènes météorologiques extrêmes, d’une érosion de la démocratie et d’un déclin du leadership climatique mondial, le monde est dos au mur dans sa lutte contre la crise climatique. La corruption rend ce combat beaucoup plus difficile, et la communauté internationale doit s’attaquer à la relation entre corruption et crise climatique.
Les dernières données montrent que les scores IPC de bon nombre de pays parmi les plus impliqués dans l’action climatique internationale – dont des nations vulnérables face aux changements climatiques et des pays hôtes de sommets internationaux tels que la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques (COP) – sont faibles et/ou en baisse. La corruption entrave l’efficacité de l’action climatique en empêchant l’adoption de politiques ambitieuses. Un rapport récent de Transparency International a mis en évidence l’influence significative des lobbyistes du pétrole et du gaz lors d’événements tels que la COP, qui touche également les centres politiques du monde entier.
« La corruption est une menace mondiale en constante évolution qui ne se contente pas de saper le développement, loin de là : c’est une cause essentielle du déclin de la démocratie, de l’instabilité et des violations des droits humains. La communauté internationale et chaque nation doivent faire de la lutte contre la corruption une priorité absolue à long terme.
François Valérian, président de Transparency International
LA CORRUPTION ET LA CRISE CLIMATIQUE
L’IPC met en évidence les milliards de dollars de fonds climatiques qui risquent d’être volés ou mal utilisés. La plupart des pays très vulnérables aux changements climatiques obtiennent un score inférieur à 50 sur l’IPC. Un nombre impressionnant de personnes sontexposées à des risques inutiles parce que la corruption entrave les projets climatiques destinés à les protéger. Cela met en évidence le besoin critique de solides mesures en matière de transparence et de redevabilité afin de garantir l’utilisation efficace de ces fonds.
Une étude récente de Transparency International montre comment la corruption peut compromettre une « transition juste » vers l’objectif de zéro émissions nettes, à l’aide d’exemples précis en Afrique du Sud (41), au Viêt Nam (40) et en Indonésie (37), où des garanties insuffisantes ont créé des opportunités pour des acteurs sans scrupules. En Afrique du Sud (41), environ un milliard de rands (plus de 56 millions de dollars US) sont volés chaque mois à Eskom, le fournisseur d’énergie public, selon son ancien directeur général.
Les pays subissant les pires effets de la crise climatique obtiennent les scores les plus bas, notamment le Soudan du Sud (8), la Somalie (9) et le Venezuela (10). En Somalie, le changement climatique fait des ravages dans l’économie agricole du pays et a aggravé le conflit qui y dure depuis 30 ans.
Le rapport montre également à quel point les acteurs clés de la diplomatie climatique sont aux prises avec la corruption, ce qui, selon ses auteurs, nuit à l’efficacité du multilatéralisme, comme les négociations de la COP. L’Azerbaïdjan, pays hôte de la COP29, à laquelle au moins 1773 lobbyistes du secteur des combustibles fossiles ont été autorisés à assister, n’a obtenu qu’un score de 22.
Le Brésil (34), pays hôte de la COP30, sera chargé de garantir l’objectif de 1300 milliards de dollars de financement pour la lutte contre le changement climatique d’ici à 2035. Cependant, dans l’IPC de cette année, il a obtenu le score le plus bas de son histoire. L’Afrique du Sud (41), qui accueille le Sommet des dirigeants du G20, a perdu trois points depuis 2019.
L’abus d’influence visant à entraver la politique climatique peut avoir lieu aussi bien dans les pays où le niveau de corruption est élevé que dans ceux où il est bas. Toutefois, c’est dans les pays riches et développés que de telles interférences ont les conséquences les plus graves, car elles compromettent les efforts qu’ils consentent pour s’accorder sur des objectifs ambitieux, réduire les émissions et renforcer la résilience à l’échelle mondiale. Les scores de trois membres du Groupe parapluie ont significativement baissé, ceux des États-Unis (65), du Canada (75) et de la Nouvelle-Zélande (83).
Certains pays hôtes ayant un score IPC inférieur à la moyenne ont aussi contribué à l’opacité des conférences en limitant la transparence et la participation de la société civile. Ceci est un obstacle sérieux au développement de politique climatique efficace et doit être résolu sur le chemin vers COP30 au Bresil et le Sommet des dirigeants du G20 en Afrique du Sud.
L’IPC a également mis en évidence le coût humain de la corruption en rapport avec la lutte contre les changements climatiques. Les défenseurs des droits fonciers et de l’environnement sont souvent à l’avant-garde de la lutte contre la crise climatique, ce qui les expose à l’intimidation, à la violence et même au meurtre. De tels actes sont plus fréquents dans les pays qui connaissent de graves problèmes de corruption : sur les 1013 meurtres de défenseurs de l’environnement commis depuis 2019, presque tous ont eu lieu dans des pays dont les scores dans l’IPC sont inférieurs à 50.
FAITS MARQUANTS DE LA CORRUPTION AU NIVEAU MONDIAL
L’IPC classe 180 pays et territoires en fonction de la perception du niveau de corruption au sein de leur secteur public sur une échelle de zéro (forte corruption) à 100 (aucune corruption). Près de 6,8 milliards de personnes vivent dans des pays dont l’IPC est inférieur à 50. Cela équivaut à 85 % de la population mondiale de 8 milliards d’habitants. Le Danemark obtient le score le plus élevé de l’Indice (90) pour la septième année consécutive. Il est suivi de près par la Finlande (88) et Singapour (84).
Les pays dont les scores sont les plus bas sont pour la plupart des pays fragiles et touchés par des conflits comme le Soudan du Sud (8), la Somalie (9), le Venezuela (10), la Syrie (12), la Libye (13), l’Érythrée (13), le Yémen (13) et la Guinée équatoriale (13).
Plus d’un quart des pays de l’échantillon (47) ont obtenu leur score le plus bas à ce jour : l’Autriche (67), le Bangladesh (23), le Brésil (34), Cuba (41), les États-Unis (65), la France (67), l’Allemagne (75), Haïti (16), la Hongrie (41), l’Iran (23), le Mexique (26), la Russie (22), le Soudan du Sud (8), la Suisse (81) et le Venezuela (10).
Au cours des cinq dernières années, sept pays ont considérablement amélioré leur score: la Côte d’Ivoire (45), la République dominicaine (36), le Kosovo (44), le Koweït (46), les Maldives (38), la Moldavie (43) et la Zambie (39).
Au cours des cinq dernières années, 13 pays ont vu leur score considérablement baisser. Les pays qui ont perdu le plus de points sont l’Autriche (67), le Belarus (33), la Belgique (69), le Salvador (30), la France (67), le Kirghizistan (25), le Liban (22), le Myanmar (16), le Nicaragua (14), le Royaume-Uni (71), la Russie (22), le Sri Lanka (32) et le Venezuela (10).