[Eclairage] Assemblée nationale : il faut accélérer la réforme des frais de mandat
Eclairage, le 01 février 2019
La déontologue de l’Assemblée nationale vient de publier, mercredi dernier, son rapport annuel. Ce document de 244 pages dresse un premier état d’avancement de l’application de la loi pour la confiance dans la vie politique de 2017. Malgré d’indéniables progrès, le compte n’y est pas ! La réforme des frais de mandat et la prévention des conflits d’intérêts doivent s’intensifier et s’accélérer : Transparency appelle l’Assemblée nationale à en faire une priorité.
Certes, la déontologie à l’Assemblée nationale progresse, et s’institutionnalise. La déontologue a ainsi été consultée plus de 220 fois par des députés ou des collaborateurs parlementaires, pour des questions relatives aux conflits d’intérêts ou aux cumuls d’activités. Si l’on y ajoute les déclarations (dons, invitations) et les questions sur les frais de mandat, 80% des députés l’ont consultée. Le chemin parcouru ces dernières années est important. Un changement de culture est donc véritablement à l’œuvre.
Mais cette montée en puissance de la déontologie parlementaire contraste avec le retard pris dans la mise en œuvre de la réforme des frais de mandat. Certes, à la lecture du rapport il semblerait que cela soit une priorité de l’Assemblée pour l’année qui vient. Pour autant, la méthodologie n’est pas encore finalisée, un doute subsiste quant aux moyens alloués à la déontologue pour mener à bien la réforme, et les députés n’ont pas encore répondu aux points faibles du dispositif (comme nous le déplorions en décembre dernier) : les recommandations que nous avions formulées il y a un an sont donc toujours d’actualité.
Cette première étape doit donc s’inscrire dans une ambition plus large : la transparence des frais de mandat, comme élément essentiel d’un contrôle efficace. « Le Parlement ne doit pas s’arrêter au milieu du gué. Le moyen le plus efficace de réformer les frais de mandat des parlementaires est d’en assurer la transparence. L’opacité nourrit la suspicion des citoyens et mine ainsi la confiance », estime Marc-André Feffer, président de Transparency International France.
Intensifier la réflexion sur les conflits d’intérêts
Outre les frais de mandat, la réflexion sur les conflits d’intérêts doit encore s’intensifier. Sur certains volets, les choses avancent vite et bien. C’est le cas par exemple du statut des collaborateurs parlementaires : tout n’est pas réglé, mais la réflexion sur le code de déontologie est bien avancée et devrait aboutir rapidement. Les mesures de la loi pour la confiance dans la vie politique portent leurs fruits : il est désormais interdit à un député d’embaucher son conjoint ou ses enfants, les autres cas d’emplois familiaux (frères et sœurs, neveux, etc.) ou d’emplois « croisés » (emploi par un député du conjoint ou de l’enfant d’un autre député) doivent être déclarés à la déontologue (une quinzaine de cas seulement).
En revanche, le registre des déports, autre disposition importante de la loi pour la confiance, n’est pas encore en place (au Sénat, un formulaire a été mis à disposition des sénateurs). Si les contours de cette réforme sont encore à définir, le rapport de la déontologue esquisse un projet plus large avec une réflexion plus large sur la déclaration orale des intérêts en amont d’un texte – ce qui était l’objet d’une recommandation importante du rapport « Pour un Parlement Exemplaire » de Transparency en mai dernier.
La déontologue pointe également l’importance de renforcer la régulation autour des cadeaux et invitations.
« Se développe à l’Assemblée nationale une « culture déontologique » sans précédent. La plupart des députés ont acquis un « réflexe déontologique », qu’ils soient nouveau ou ancien député », mais l’acculturation des députés aux exigences déontologiques n’est toutefois pas arrivée à son terme », écrit la déontologue dans son rapport à un bon résumé !
Une priorité pour 2019
Transparency France appelle l’Assemblée à faire de ce chantier une priorité en 2019. Il y a quelques semaines, notre président Marc-André Feffer a écrit à Richard Ferrand en ce sens.
C’était également l’objet d’un rendez-vous en ce début d’année avec des membres de son cabinet pour évoquer en détails tous ces sujets.
2019 sera pour nous aussi l’occasion d’actualiser le site integritywatch.fr : un outil de visualisation des données des déclarations d’intérêts des parlementaires, ayant vocation à terme à croiser différents jeux de données (données du registre des représentants d’intérêts, déclarations d’intérêts, futur registre des déports) afin de devenir un véritable outil de prévention des conflits d’intérêts.
à Nos recommandations phares :
- Approfondir la réforme des frais de mandat, avec neuf recommandations clés devant aboutir à la transparence des frais de mandat.
- Mettre en place le registre des déports prévu par la loi pour la confiance dans la vie politique de 2017.
- Accélérer les mesures de prévention des conflits d’intérêts.
- Instaurer un plafonnement des revenus annexes des parlementaires, et améliorer la qualité des déclarations d’intérêts sur ce sujet.
- Inciter les parlementaires à faire la transparence sur leurs frais de mandat et leurs agendas publics, sur une base volontaire. L’Assemblée nationale pourrait y contribuer en mettant à disposition des députés les outils informatiques appropriés.