Financement des partis et des campagnes / Campagne présidentielle de 2022 : comment garantir la transparence ?
Publié le 21 octobre 2020
Quelques jours après la mise en examen de Nicolas Sarkozy pour association de malfaiteurs dans le cadre de l’enquête sur les soupçons de financement libyens de sa campagne de 2007, la thématique du contrôle des comptes de campagne des candidats à l’élection présidentielle fait une nouvelle fois irruption dans l’actualité politique avec une enquête de la cellule d’investigation de Radio France sur la validation par le Conseil Constitutionnel des comptes pourtant irréguliers de Jacques Chirac et Edouard Balladur en 1995.
Enfin accessibles au public, 25 ans après les faits, les archives du Conseil Constitutionnel permettent de comprendre comment l’institution chargée à l’époque de veiller « à la régularité de l’élection présidentielle » (article 58 Constitution française du 4 octobre 1958) n’a eu d’autre choix que de valider les comptes des deux candidats bien qu’ils aient chacun dépassé le plafond de dépenses autorisées et intégré à leurs comptes des versements en liquide suspects.
Au-delà de la question pourtant cruciale du délai de 25 ans nécessaire pour accéder à ces données, délai imposé par le secret des délibérations, cette enquête révèle dans le détail les limites du contrôle a posteriori des comptes de campagne des candidats à la présidentielle. Car si depuis 2006, c’est la CNCCFP, et non plus le Conseil Constitutionnel, qui est chargée de contrôler les comptes de campagnes des candidats, les modalités de contrôle n’ont pas changé et se bornent à vérifier, a posteriori, que les prestations correspondant aux dépenses déclarées par les équipes des candidats sont bien remboursables et que leur montant total ne dépasse pas le plafond prévu par la loi. Force est de constater que 25 ans plus tard, le scenario catastrophe de 1995, à savoir l’impossible annulation d’une élection pour cause d’irrégularités des comptes de campagne du vainqueur, peut très bien se reproduire. Une perspective inquiétante à 18 mois du prochain scrutin présidentiel, alors que trois des cinq dernières éditions ont été marquées par des affaires qui remplissent le calendrier judiciaire de l’année 2021.
1995 (affaire Karachi), 2007 (affaires des soupçons de financement libyens) et 2012 (affaire Bygmalion) : trois élections présidentielles entachées de graves soupçons d’irrégularités qui contribuent à la défiance citoyenne, alors même que la France dispose d’une des législations des plus avancées en matière d’encadrement du financement de la vie politique.
En effet, les dépenses et recettes des candidats à une élection sont contrôlés, les dons aux partis et aux campagnes sont plafonnés, les dons des personnes morales sont interdits, et un système de financement public existe. En ce qui concerne les élections présidentielles, ces missions sont assurées depuis 2006 par une autorité créée il y a trente ans : la Commission nationale des comptes de campagne et de financement des partis (CNCCFP).
Autant de dispositions fortes qui n’ont pourtant pas préservé les scrutins présidentiels du soupçon des « affaires ».
A quelques 500 jours de la prochaine échéance, il est urgent de réformer le cadre actuel, parfois obsolète, et de garantir la transparence des flux financiers alimentant ces campagnes, notamment en lien avec les partis politiques.
L’ONG Transparency International France rappelle ses propositions en ce sens :
La CNCCFP ne peut plus assurer son rôle comme elle l’assurait jusqu’alors. Sa mission et ses moyens doivent évoluer pour lui permettre d’assurer un contrôle continu des comptes de campagne, c’est-à-dire en amont de l’élection. Si un tel contrôle continu ne pourrait suffire à empêcher des affaires tentaculaires comprenant des éléments pouvant être protégés par le secret défense, comme celle de Karachi ou celle du financement libyen présumé, il constituerait toutefois un garde-fou contre les risques de fraudes plus courantes : la menace d’un avertissement susceptible d’être rendu public inciterait à l’exemplarité et renforcerait la légitimité de ceux qui, au sein des équipes de campagne, sont chargés de suivre le budget et les comptes de campagne.
La transparence n’est pas seulement l’affaire des candidats, mais bien aussi celle des partis qui doivent accepter la transparence de leurs comptes dès lors qu’ils bénéficient de fonds publics. Le système de vases communicants doit être contrôlé rigoureusement.
Enfin, les sanctions doivent elles aussi être à la hauteur de l’enjeu : il n’est pas possible de se satisfaire d’un système dans lequel, malgré l’invalidation de ses comptes, un candidat peut devenir Président de la République. Si le statut pénal du Chef de l’Etat en effet ne permet pas de remettre en cause une élection, cela plaide pour que la transparence du financement puisse être avérée, ceci avant le vote.
Ces questions judiciaires cruciales pour notre démocratie vont faire irruption dans le débat public à la faveur de calendrier judiciaire de ce début de l’année 2021, à un an de la prochaine échéance présidentielle. Transparency International France souhaite que cette période soit l’occasion de débattre publiquement du financement de la vie politique française et de la nécessité d’un contrôle des comptes de campagne des candidats à la hauteur de l’importance de ce scrutin dans la vie politique de notre pays.