Position de Transparency France sur les engagements 2021-2023 de la France dans le cadre de l’Open Government Partnership (OGP)

Position de Transparency France sur les engagements 2021-2023 de la France dans le cadre de l’Open Government Partnership (OGP)

Paris, le 22 décembre 2021

La France a publié le 17 décembre son plan d’action national pour 2021-2023, dans le cadre du Partenariat pour un Gouvernement Ouvert (OGP). Il s’agit du troisième plan de ce type adopté depuis que la France a rejoint en 2014 ce partenariat international entre Etats visant à rendre plus transparente et collaborative l’action publique.

L’ouverture des données doit passer à la vitesse supérieure

Le bilan du plan 2018-2020 montre que l’OGP a permis des progrès certains en matière d’ouverture des données, dans des domaines essentiels pour la lutte contre la corruption. On peut citer notamment : la commande publique (appels d’offres et données essentielles des marchés conclus), le lobbying, le registre des bénéficiaires effectifs conformément à la directive européenne du 30 mai 2018 ou les transactions immobilières. Dans ces différents domaines, la société civile dispose désormais de jeux de données dans des formats exploitables. Si nous saluons ces avancées, celles-ci restent néanmoins perfectibles. Les données accessibles en ligne sont incomplètes ou présentées dans des formats qui interdisent les retraitements ou ne facilitent pas les recherches ponctuelles, ce qui limite les possibilités de réutilisation. Les prochaines années doivent être l’occasion d’améliorer la quantité et la qualité des données disponibles, soit par des réformes normatives lorsque les données exigées par la loi sont incomplètes, soit par un accroissement des moyens des acteurs chargés d’agréger les données.

Par ailleurs, un écueil important doit être évité : celui de l’open-washing. La volonté affichée par l’Etat d’une transparence accrue de son action a en effet conduit ces dernières années à la mise en ligne de tableaux de bord ou de cartographies interactives en tous genres, pour suivre le plan de relance ou les réformes engagées par exemple. Néanmoins, derrière les visuels attrayants se cachent trop souvent des jeux de données limités où les bénéficiaires finaux sont agrégés à des échelles territoriales trop larges et où les montants attribués ne sont pas toujours précisés, ce qui limite les possibilités d’exploitation. Sans précision, la transparence n’est qu’un outil de communication publique et pas le reflet d’une véritable politique d’open data volontariste.

La collaboration entre société civile et administration ne doit pas se limiter aux enjeux techniques

La consultation préalable à l’élaboration de ce nouveau plan a débouché sur des évènements qui ont offerts de réelles opportunités de collaboration entre société civile et administrations publiques, au niveau national et international. Plus généralement, l’OGP présente l’intérêt indéniable de favoriser les échanges entre les agents chargés de l’exécution technique d’un engagement et les citoyens qui l’exploiteront.

Cette collaboration reste malheureusement parfois limitée à des enjeux purement techniques, et les revendications de la société civile ne sont pas toujours prises en considération. Le manque d’ambition de l’engagement de la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) est particulièrement significatif de ce point de vue. Alors que les associations et journalistes qui utilisent régulièrement le droit d’accès soulignent depuis plusieurs années le manque d’acculturation des administrations à la transparence et la nécessité de réformer structurellement une CADA engorgée par les recours, celle-ci se contente d’un engagement minimal à dédier un emploi à la sensibilisation des personnes référentes pour l’accès aux documents administratifs (PRADA).

Ce risque d’une technicisation croissante au détriment de la volonté politique se ressent de manière générale dans l’ensemble du nouveau plan triennal qui n’a jamais inclus autant d’engagements des administrations, au risque de diluer leur ambition dans une déclinaison de feuilles de routes administratives déjà actées indépendamment de l’OGP.

L’objectif de lutte contre la corruption doit repasser au premier plan

Dès la création de l’OGP en 2011, la lutte contre la corruption a été présenté comme un des principaux bénéfices à en retirer. Cet objectif a été rappelé avec force par les dirigeants internationaux amenés à s’exprimer lors du dernier sommet global qui s’est déroulé à Séoul du 15 au 17 décembre dernier. A cet égard, le discours prononcé par le président Joe Biden à cette occasion est particulièrement significatif : celui-ci a érigé la lutte contre la corruption comme une priorité nationale pour son administration et a appelé les pays membres de l’OGP à agir dans le même sens.

Le contraste est fort si l’on compare cette intervention avec les discours prononcés par le président de la République Emmanuel Macron lors du sommet de l’OGP et la ministre Amélie de Montchalin lors de la présentation du nouveau plan le 17 décembre dernier. La lutte contre la corruption est passée au second plan derrière l’objectif tout aussi essentiel mais non exclusif du soutien aux initiatives citoyennes. Il s’agit d’un manque, voire d’une régression, par rapport au dernier discours du chef de l’Etat prononcé en septembre 2020 à l’occasion du sommet des leaders de l’OGP, dans lequel la transparence du plan de relance était présentée comme un moyen essentiel pour éviter que les milliards d’euros d’argent public injectés dans l’économie ne nourrissent la corruption.

Cela se ressent également à travers les engagements écrits des différentes administrations qui n’évoquent quasiment pas le terme « corruption ». On peut d’ailleurs regretter que l’Agence française anti-corruption (AFA) ne soit pas présente parmi le grand nombre d’administrations engagées par ce plan, alors qu’elle mène des projets d’exploitation des données qui y auraient toute leur place. On peut tout de même déplorer qu’une occasion de rendre visible et accessible au public la mise en œuvre de la stratégie 2021-2030 de la France dans son action de coopération n’ait pas été saisie. On peut enfin s’étonner qu’aucun engagement n’ait été pris de sanctionner les sociétés qui ne déclarent aucun bénéficiaire effectif – 25% sont dans ce cas, principalement des SCI –  et d’étendre cette obligation aux entités étrangères possédant des biens en France à l’instar de ce qui se pratique au Royaume-Uni, et comme Transparency International France le recommande.

Ce manque d’affichage politique est symptomatique d’une lacune de ce quinquennat durant lequel des initiatives éparses de lutte contre la corruption ont prospéré avec un succès mitigé sans réelle cohésion. Il est urgent que la France réaffirme sa volonté de mener une action publique unifiée de lutte contre la corruption, à travers l’OGP mais aussi à travers une politique publique dédiée, afin de faire fructifier les avancées législatives de la dernière décennie.

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