Projet de loi confortant le respect des principes de la République : une restriction dangereuse des libertés associatives.
Publié le 1er février 2021
Loin de se limiter à un texte sur la défense de la laïcité, le projet de loi confortant le respect des principes de la République contient une série de mesures visant à renforcer le contrôle exercé par les pouvoirs publics sur les associations. Il comprend différentes dispositions qui viendraient renforcer un arsenal juridique déjà complet et utilisé de façon légitime pour éviter le dévoiement de la forme associative à des fins d’appels à la violence ou de détournement de fonds publics.
Mesure phare du texte, le contrat d’engagement républicain deviendrait un préalable obligatoire au versement de subventions publiques à une association. Ce contrat intègre des principes républicains consensuels, déjà associés à la grande loi de 1901 sur la liberté associative. Mais un autre principe dit de « respect de l’ordre public » est également inclus dans ce nouveau type de contrat. Plus flou, il pourrait constituer un prétexte pour exiger le remboursement des subventions accordées à l’association qui ne le respecterait pas comme le prévoit le projet de loi. Autre mesure plus problématique encore, la création d’une responsabilité des dirigeants d’une association sur les agissements délictueux d’un de ses membres. Une absence d’action de la part des dirigeants à l’encontre de ce membre suffirait alors pour constituer un motif valable de dissolution de ladite association. Là encore, on peut craindre des abus qui découleraient de cette responsabilité exorbitante reposant sur des dirigeants, bénévoles pour la plupart, de structures parfois très larges. Enfin, d’autres dispositions vont dans le sens d’un plus grand contrôle des financements des associations, un amendement proposant même d’élargir aux associations de la loi de 1901, le contrôle des financements étrangers déjà inscrit dans le texte pour les associations cultuelles.
Comme l’a rappelé Le Mouvement Associatif, représentation nationale des associations françaises auquel appartient Transparency International France, l’orientation générale de ce texte exprime une défiance certaine vis-à-vis de la vie associative, qui est pourtant essentielle à la démocratie. Les motivations à l’origine de ce projet de loi sont légitimes : la forme associative ne doit pas servir de paravent à des individus qui prêchent la haine et s’opposent à toute forme de débat démocratique. En revanche, ses résultats risquent de se montrer dangereux pour la libre expression de la société civile.
La forme associative, consacrée par la loi de 1901, constitue historiquement le mode d’organisation privilégié de la société civile française. Cette société civile est le versant indissociable de l’état de droit. Sans la vigilance exercée par des associations indépendantes, les excès de pouvoir deviennent la norme. La mise sous tutelle de la société civile est la marque de fabrique des régimes autoritaires et corrompus. En Russie, la Fondation anti-corruption d’Alexeï Navalny avait ainsi été inscrite en 2019 sur une liste « d’agents de l’étranger » grâce à une loi taillée sur mesure pour contrôler les financements des associations. Elle a ensuite été dissoute en 2020. De manière inquiétante, des initiatives similaires s’observent dans d’autres pays depuis quelques années. En se plaçant dans le sillage de démocraties illibérales, la France enverrait un mauvais signal alors même qu’elle tente de répondre légitimement à des attaques sur la liberté d’expression.
Puisque le débat porte sur la transparence de l’action des associations cultuelles, une réforme que nous défendons de longue date pourrait se montrer plus pertinente : réintégrer ces structures au répertoire des représentants d’intérêts de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique. Dans sa version initiale, la loi « Sapin 2 » obligeait les associations cultuelles à déclarer leurs actions de lobbying, à l’instar des associations de la loi de 1901. Une modification législative de 2018 est malheureusement venue exempter totalement d’obligations de transparence les associations religieuses. Un amendement au projet de loi confortant le respect des principes de la République propose de revenir sur cette exemption peu compréhensible et nous espérons qu’il emportera la conviction de la représentation nationale.