[Rapport] Le sort des « Biens mal acquis »
Transparency International France formule une proposition pour permettre la restitution de l’argent issu de la grande corruption
26 octobre 2017
La justice française rendra demain à 10h son verdict dans le procès sans précédent des « Biens Mal Acquis* ». A l’occasion de cette décision très attendue, Transparency International France, principale partie civile dans l’affaire, formule une proposition pour permettre la restitution de l’argent issu de la grande corruption aux populations des pays d’origine, premières victimes de ces détournements. Ce sont elles, qui, dans leur vie quotidienne, paient le plus lourd tribut à l’enrichissement illicite de leurs élites dirigeantes.
Chaque année, des milliards d’euros sont détournés pour alimenter le train de vie dispendieux de quelques dirigeants corrompus à l’étranger, notamment en France, au lieu de financer des infrastructures et des services publics de première nécessité (hôpitaux, routes ou établissements scolaires).
En cas de condamnation et de confiscation des biens, il est essentiel que les sommes recouvrées soient mises au service des populations qui en ont été injustement privées. C’est d’ailleurs ce que prévoit la convention des Nations Unies contre la corruption (Article 57.3.c).
Or, en l’état actuel du droit français, rien ne permet de garantir l’affectation des avoirs issus de la grande corruption au profit des victimes. En effet les fonds confisqués tout comme les sommes résultant de la vente des avoirs confisqués reviennent au budget général de l’Etat. Il est donc nécessaire et urgent de faire évoluer le cadre législatif français.
Une situation totalement inéquitable : « Comment justifier en effet que les avoirs issus de la grande corruption ne soient pas retournés, d’une manière ou d’une autre, aux populations victimes ? », plaide Maud Perdriel-Vaissière, membre de Transparency International France et auteure du rapport.
Pour combler cette lacune, Transparency International France propose l’introduction d’un dispositif d’affectation des avoirs illicites (voir encadré ci-après). L’ONG entend promouvoir ce dispositif lors d’un colloque qui se tiendra à l’Assemblée Nationale le 23 novembre prochain.
Loin d’être limité à la seule affaire des « Biens Mal Acquis », le dispositif proposé a vocation à s’appliquer à toutes les affaires de grande corruption.
« Alors que la France avait activement plaidé, il y a 14 ans, pour que la question de la restitution des avoirs illicites soit inscrite dans la Convention des Nations Unies contre la Corruption, il est grand temps de mettre en œuvre cet engagement »
Marc-André Feffer, Président de Transparency France
L’affection des avoirs issus de la grande corruption : Les points clés du dispositif proposé par Transparency International France
- Les fonds confisqués tout comme les sommes d’argent recouvrées doivent être isolés du budget général de l’Etat et consignés sur un compte spécial dans l’attente de leur affectation au profit des populations des états d’origine.
- Les fonds ainsi consignés devront être affectés exclusivement à l’amélioration des conditions de vie des populations des pays d’origine et/ou au renforcement de l’état de droit et à la lutte contre la corruption
- Une procédure de consultation doit être menée de manière transparente et inclusive en faisant notamment intervenir les représentants de la société civile.
- Les fonds doivent être gérés de manière transparente et leur utilisation contrôlée de manière rigoureuse.
*Les Biens mal acquis : un combat judiciaire de 10 ans
En 2008, alerté par plusieurs rapports et les résultats d’une première enquête de police, Transparency France s’engage, par la voie de son avocat William Bourdon, dans une bataille judiciaire que beaucoup considéraient alors perdue d’avance. Notre objectif : faire en sorte que la France ne soit plus un lieu de blanchiment et que l’argent détourné soit restitué aux populations à qui il appartient.
Après 10 ans de procédure et un parcours semé d’embuches – classements sans suite, recours judiciaires systématiques, tentatives d’intimidation et attaques en diffamation – la justice française rendra son verdict le vendredi 27 octobre concernant Teodorin Nguema Obiang, vice-président de Guinée-Equatoriale, soupçonné de s’être constitué un patrimoine considérable en France (hôtel particulier, voitures de luxes, œuvres d’art…) avec de l’argent public détourné dans son pays.
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