[Communiqué] Biens mal acquis : le Tribunal insiste sur l’enjeu de la restitution de l’argent de la corruption aux populations victimes
« Biens mal acquis » : le Tribunal insiste sur l’enjeu de la restitution de l’argent de la corruption aux populations victimes
Communiqué de presse – Paris, le 19 mars 2018
Le jugement du 27 octobre 2017, qui condamne en France le Vice-Président de Guinée-Equatoriale (Biens Mal Acquis) pour des faits de corruption notamment de blanchiment et de détournement d’argent public, vient d’être publié. Si la décision du Tribunal correctionnel de Paris marque une étape décisive dans la lutte contre l’impunité, le jugement rappelle aussi l’enjeu moral, pour la France, de permettre la restitution de l’argent détourné aux citoyens qui en ont été privés.
Un pas décisif dans la lutte contre l’impunité
Le Vice-Président de Guinée-Equatoriale et fils du Président actuel a été condamné à 3 ans de prison avec sursis, 30 millions d’euros d’amende avec sursis et à la confiscation intégrale de ses biens saisis sur le territoire français, d’une valeur estimée à 150 millions d’euros. Comme l’a rappelé le Tribunal, « ces sommes blanchies, au lieu de financer des infrastructures et des services publics en Guinée équatoriale, étaient placées ou dépensées en France pour alimenter le train de vie particulièrement fastueux de Teodorin Obiang en France. »
Le Tribunal qualifie cette peine « d’avertissement tant pour la personne condamnée qu’aux autres membres du corps social susceptibles d’être impliqués dans des faits de blanchiment, » qui ont pu laisser croire pendant des années à Teodorin Obiang qu’il existait en France une forme d’impunité à l’égard de ces pratiques.
La restitution des avoirs : un enjeu majeur de la lutte contre la corruption transnationale
Transparency France s’est engagée depuis 10 ans dans ce combat en poursuivant deux objectifs ; que la France ne constitue plus un abri pour les avoirs des dirigeants corrompus et que l’argent détourné puisse être restitué aux populations qui en ont été privées.
A travers son jugement, le Tribunal correctionnel de Paris abonde largement dans ce sens et appuie les propos de l’ONG. Il souligne d’abord que la peine de confiscation prononcée ne peut être « envisagée sous le seul aspect de l’efficacité répressive, ne prenant pas en compte l’intérêts des victimes » et précise ensuite qu’il apparaîtrait, dans ce contexte de corruption transnationale, « moralement injustifié pour l’Etat prononçant la confiscation de bénéficier de celle-ci ». Enfin le Tribunal affirme qu’il « parait vraisemblable que le régime français des peines de confiscation devrait être amené à évoluer en vue de l’adoption d’un cadre adapté à la restitution des avoirs illicites. »
En effet, en l’état actuel de notre droit, en cas de condamnation et de confiscation des biens par la justice, les fonds confisqués tout comme les sommes résultant de la vente des avoirs reviendraient au budget général de l’Etat français.
Une issue totalement inéquitable, alors même que la France avait plaidé il y a 14 ans pour que le principe de restitution des avoirs illicites soit inscrit dans la Convention des Nations Unies contre la Corruption.
Pour Marc-André Feffer, Président de Transparency International France : « Il est grand temps d’adapter le cadre législatif français afin que cet engagement trouve une traduction concrète ».
La proposition de Transparency France pour permettre la restitution
Pour combler cette lacune, Transparency a proposé l’introduction dans la loi d’un dispositif d’affectation de l’argent détourné, détaillé d’abord dans un rapport publié en octobre dernier, puis débattu lors d’un colloque organisé à l’Assemblée Nationale le 23 novembre 2017.
Rappel des points clés du dispositif
- Les fonds confisqués tout comme les sommes d’argent recouvrées doivent être isolés du budget général de l’Etat et consignés sur un compte spécial dans l’attente de leur affectation au profit des populations des états d’origine.
- Les fonds ainsi consignés devront être affectés exclusivement à l’amélioration des conditions de vie des populations des pays d’origine et/ou au renforcement de l’état de droit et à la lutte contre la corruption
- Une procédure de consultation doit être menée de manière transparente et inclusive en faisant notamment intervenir les représentants de la société civile.
- Les fonds doivent être gérés de manière transparente et leur utilisation contrôlée de manière rigoureuse.
Pour aller plus loin
Comprendre l’affaire des Biens Mal Acquis
Contact presse
Anne Boisse
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