Procès Cahuzac : une décision exemplaire
Communiqué de presse – Paris, le 15 mai 2018
La Cour d’appel de Paris a condamné Jérôme Cahuzac à 4 ans de prison, dont deux ans avec sursis, cinq ans d’inéligibilité et 300 000 euros d’amende. Cette décision exemplaire traduit un changement de ton dans la lutte contre l’évasion fiscale. Même si beaucoup reste à faire, les fraudeurs fiscaux ne peuvent plus agir en toute impunité.
En 2013, l’affaire Cahuzac avait provoqué un séisme politique. Comment peut-on être à la fois Ministre du Budget, prêcher la lutte contre l’évasion fiscale, tout en dissimulant des avoirs en Suisse ? En confirmant en appel le jugement contre Jérôme Cahuzac, la Cour d’Appel de Paris a confirmé sa faute. Cet arrêt exemplaire met fin au sentiment d’impunité que pouvaient ressentir certains fraudeurs fiscaux aspirant à des hautes fonctions publiques.
Cinq ans après les faits, ce procès est l’occasion de mesurer les progrès enregistrés ces dernières années. L’affaire Cahuzac aura été un véritable électrochoc salutaire, provoquant le renforcement de l’arsenal législatif et judiciaire, rendant la fraude plus difficile et la probabilité d’être condamné plus forte en cas de manquement. La Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique, créée en 2013, contrôle désormais les déclarations de patrimoine des parlementaires et ministres. Le Parquet National Financier, crée en 2014, a notamment contribué à accélérer le traitement et le renvoi des dossiers devant les tribunaux, qu’il s’agisse de ministres, de personnalités publiques ou de personnes morales (UBS, HSBC). L’échange automatique d’informations a été mis en place, et devrait permettre au fisc de mieux identifier les comptes bancaires détenus par les contribuables y compris en Suisse, au Luxembourg ou dans certains paradis fiscaux.
Mais le chemin à parcourir reste encore long. Les divers scandales révélés par la presse d’investigation et les lanceurs d’alerte – LuxLeaks, Panama Papers, Paradise Papers – nous le rappellent régulièrement s’il en était besoin. « Au-delà du procès de Jérôme Cahuzac, la France doit renforcer sa politique de lutte contre la fraude et l’évasion fiscale, et donner de meilleures garanties d’intégrité des responsables publics », note Marc-André Feffer, président de Transparency International France.
L’ONG appelle le gouvernement à conduire une politique ambitieuse et à prendre des mesures en ce sens :
- Systématiser la vérification de situation fiscale de tout responsable public nommé en Conseil des Ministres préalablement à sa nomination ;
- Renforcer l’indépendance et les moyens de la justice financière : en octobre 2016, le PNF comptait 15 magistrats, 400 dossiers, chacun ayant un ratio moyen de 27 dossiers alors qu’on lui avait promis 22 magistrats en 2013 – cette institution a besoin de plus de magistrats, de plus d’enquêteurs spécialisés et de moyens informatiques ;
- Permettre à la justice de se saisir directement des cas de fraude fiscale les plus graves sans passer par l’administration de Bercy (Remettre en cause le verrou de Bercy) ;
- Impulser une politique européenne ambitieuse en matière de transparence fiscale: la France doit faire parties des pays moteurs pour faire aboutir les directives européennes en cours de discussion à Bruxelles ;
- Veiller à ce que la loi sur le secret des affaires ne se traduise pas par un affaiblissement des droits des lanceurs d’alerte et des journalistes d’investigation lorsqu’ils révèlent des faits d’évasion et de fraude fiscale.
Pour aller plus loin
[Position] Indépendance de la justice : pour une réforme ambitieuse