Biens mal acquis : « Le double enjeu du procès en appel de Teodoro Obiang : confirmer la condamnation en première instance et la poursuite de la restitution des biens mal acquis aux Équatoguinéens. »
Communiqué de Presse – Paris, le 9 décembre 2019
Lundi s’ouvre le procès en appel de Teodoro Nguema Obiang Mangue, vice-président de Guinée équatoriale – et fils du président Teodoro Nguela Obiang Mbasogo – condamné en première instance en octobre 2017 pour blanchiment de corruption et de détournement de fonds publics à 3 ans de prison avec sursis, 30 millions d’euros d’amende avec sursis et à la confiscation intégrale de ses biens saisis sur le territoire français, d’une valeur estimée à plus de 150 millions d’euros. Un verdict historique – c’est la première fois en France qu’un dirigeant étranger en fonctions est condamné pour de telles infractions – pour un procès emblématique dans une affaire de « biens mal acquis » dans laquelle l’ONG Transparency International France (TI-France) est partie civile depuis 11 ans.
L’appellation « biens mal acquis » est désormais bien installée dans le vocabulaire juridique et politique. Elle désigne les biens mobiliers et immobiliers acquis à l’étranger par des dirigeants politiques avec de l’argent public détourné dans leur Etat d’origine. Il s’agit ainsi d’un enrichissement illicite qui représente, selon la Banque Mondiale, une perte de 20 à 40 milliards de dollars par ans pour ces pays, et dont les populations sont les premières victimes. Avant que TI- France ne se porte partie civile dans l’affaire Obiang en 2008, avec le soutien d’autres ONG françaises et en pleine coopération avec des sections africaines du réseau Transparency International, de telles pratiques étaient largement tolérées sur le territoire français. TI-France est d’ailleurs également partie civile dans affaires Bongo (accusation) et Sassou Nguesso (accusation).
Pour Marc-André Feffer, Président de TI-France, « L’enjeu de ce procès en appel, c’est bien sûr d’obtenir la confirmation de la condamnation de Teodoro Obiang en première instance. La confirmation de la fin de l’impunité en matière de « biens mal acquis » en France, mais aussi la confirmation de la poursuite du processus de restitution de l’argent aux populations victimes, qui est et reste notre principal objectif. ».
En effet, si la peine de prison et l’amende avec sursis prononcées en 2017 sont d’importance et constituent un message clair de fermeté, ce qui importe à TI-France, en tant que branche française d’une ONG mondiale, c’est que les biens acquis sur le territoire français avec de l’argent issu de la corruption puissent être rendus au peuple équatoguinéen. « C’est en cela que les affaires de biens mal acquis sont emblématiques pour une ONG comme la nôtre » ajoute Marc-André Feffer. « Elles font le lien entre deux de nos principaux engagements : la défense des victimes – en l’occurrence la population équatoguinéene – et le plaidoyer auprès des décideurs politiques pour créer un cadre juridique permettant la lutte contre la corruption, la confiscation des biens mal acquis et la restitution aux populations. »
Parallèlement aux procédures judiciaires, TI-France poursuit son plaidoyer en faveur d’une modification de la loi française car actuellement, hors du cadre de l’entraide pénale internationale, notre droit ne permet pas la restitution des biens confisqués aux populations spoliées. Le produit de avoirs confisqués revient au Trésor public. Or La France a une « dette morale » vis-à-vis des populations dans les pays d’origine, premières victimes de ces détournements. TI-France plaide donc activement pour l’adoption d’une loi permettant de leur restituer ces avoirs.
Les efforts de TI-France ont mené à l’adoption par le Sénat en mai dernier, en première lecture et à la quasi-unanimité, d’une proposition de loi sur la restitution des avoirs de la grande corruption. Dans le même temps, le gouvernement prenait l’engagement d’instaurer en France un cadre légal permettant de restituer l’argent des « biens mal acquis » aux populations qui en ont été privées. Premier acte de cet engagement, le lancement en juin par le Premier ministre d’une mission parlementaire sur le système de saisie et de confiscation des avoirs d’origine criminelle, confiée aux députés Laurent Saint-Martin et Jean-Luc Warsmann.
Le rapport de cette mission parlementaire rendu public la semaine dernière constitue une avancée majeure. Il reprend les principes de transparence, de redevabilité, de solidarité, d’intégrité d’efficacité que TI-France défend depuis 10 ans. Ces cinq principes sont le gage d’une restitution responsable des avoirs détournés. Maintenant qu’ils sont posés, il s’agit de les transformer en un cadre juridique rigoureux et transparent pour que les « biens mal acquis » deviennent pas des « biens mal restitués ». Il est impératif que les avoirs soient traçables, depuis leur confiscation jusqu’à leur affectation finale, et que les programmes de restitution de ces biens soient pilotés par une gouvernance spécifique impliquant les représentants de la société civile, en France et dans le pays d’origine.
L’enjeu est que les avoirs détournés ne retombent pas dans les circuits de la corruption et qu’ils bénéficient effectivement aux populations dans les pays d’origine. L’urgence est réelle : la France est sur le point de restituer plus de 60 millions d’euros sans conditions particulières à la République d’Ouzbékistan, pays classé 158ème sur 180 par l’indice de perception de la corruption de Transparency International. Rien ne garantit que les avoirs confisqués, une fois restitués, soient affectés aux besoins de la population spoliée, ce malgré nos alertes.
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