POUR ESPÉRER EMPORTER LE COMBAT CONTRE LA CORRUPTION, L’UNION EUROPÉENNE A BESOIN D’UNE PRÉSIDENCE FRANÇAISE VOLONTAIRE… ET CRÉDIBLE.

POUR ESPÉRER EMPORTER LE COMBAT CONTRE LA CORRUPTION, L’UNION EUROPÉENNE A BESOIN D’UNE PRÉSIDENCE FRANÇAISE VOLONTAIRE… ET CRÉDIBLE

Lettre ouverte commune des sections française et européenne de Transparency international. La version en langue anglaise est accessible sur le site de Transparency international Europe.

Jeudi 9 décembre 2021

Au 1er janvier prochain, la France prendra la présidence du Conseil de l’Union européenne pour six mois, l’occasion pour elle de donner une impulsion, au niveau européen, à des réformes essentielles en faveur de la transparence et de l’intégrité de la vie politique et économique et de relancer, au niveau national, une ambition qui fait actuellement défaut dans ces domaines.

Obstacle majeur à la réalisation de la vision originelle d’une Union fondée sur l’Etat de droit, la démocratie et la justice sociale, la corruption nuit au développement durable, à la confiance des citoyens envers les institutions et alimente les inégalités croissantes qui divisent les citoyens européens.

La France s’est dotée au fil des années de dispositifs solides en matière de transparence et de lutte pour l’intégrité dans la vie politique et économique. Le précédent quinquennat s’est terminé sur l’adoption de la loi dite Sapin 2, hissant la France au rang des pays dotés des législations les plus ambitieuses en matière de lutte anti-corruption. Bien que le présent quinquennat ait été marqué par des avancées, principalement en matière de restitution des biens mal acquis aux populations des pays concernés et de moralisation de la vie politique dans le cadre des lois confiance, des signaux inquiétants, voire de véritables reculs susceptibles d’entraver la détection et la poursuite de la criminalité financière, témoignent d’un manque d’ambition dans la stratégie anti-corruption, voire de l’absence de pilotage dans la politique française anti-corruption.

Exporter au niveau européen certains de ces dispositifs témoignerait d’une volonté politique en la matière et marquerait la relance par la France de sa politique en matière de lutte pour la transparence et l’intégrité dans la vie politique et économique.

Transposés à l’échelon européen, ces dispositifs contribueraient à consolider l’état de droit au sein de l’UE et à renforcer la confiance des citoyens dans les institutions et dans leurs représentants, un défi crucial au regard des chiffres du Baromètre Mondial sur la Corruption (BMC) selon lesquels près de deux tiers des citoyens de l’UE pensent que la corruption gouvernementale est un problème dans leur pays.

Lutte anti-blanchiment

Pandora Papers, Paradise Papers, Luanda Leaks, … les scandales successifs mettent en lumière la défaillance des dispositifs anti-blanchiment des grands centres financiers au niveau mondial, parmi lesquels on trouve de nombreux pays européens. Les sommes en jeu sont gigantesques. Corruption active ou passive, blanchiment d’argent et fraude fiscale forment un continuum qui appelle de la part de l’Union européenne une exigence d’exemplarité et une détermination.

Au niveau européen, l’ambition du nouveau paquet « Lutte anti-blanchiment », dévoilé par la Commission européenne en juillet dernier, se doit d’être à la hauteur du défi que représentent ces flux financiers illicites. Le paquet comprend notamment la création d’une nouvelle autorité européenne de lutte anti-blanchiment chargée de superviser et de coordonner les services de renseignement financiers des Etats membres. La nouvelle autorité pourra également prendre le relais des autorités nationales de surveillance pour la supervision de toute entité obligée du secteur financier s’il existe des indices concordants que des infractions aux règles européennes ne sont pas traitées de manière adéquate par les autorités nationales de surveillance. Cette future autorité jouera un rôle clé dans la surveillance des facilitateurs non financiers dont le rôle et la relative impunité ont été maintes fois pointés du doigt par les associations anti-corruption.

La France doit soutenir cette ambition et veiller à ce que les avancées proposées par la Commission européenne telles que l’extension de déclaration du bénéficiaire effectif aux entités et constructions juridiques étrangères ou la transparence des registres sur les bénéficiaires effectifs des trusts soient consolidées, voire améliorées et étendues.

Intégrité de la vie publique

Au niveau européen, malgré quelques réformes prometteuses, la prise de décision politique reste opaque. Les mécanismes de prévention des conflits d’intérêts demeurent lacunaires et les garanties de transparence, d’intégrité et de redevabilité font encore défaut. Lorsque des irrégularités sont identifiées, les mécanismes de sanctions reposent encore trop souvent sur des arbitrages politiques.

Les lacunes des règles et des cadres qui régissent l’éthique sapent la confiance des citoyens dans l’UE et ses institutions et plaident clairement en faveur de la création d’un organe d’éthique indépendant commun à toutes les institutions de l’UE. Le Parlement européen a adopté un texte en ce sens, positif bien que perfectible, qui est maintenant examiné par la Commission européenne.

En France, la création de la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique en 2013 a amorcé un tournant dans la culture française de l’intégrité. Alors que la dynamique politique en France en matière de probité semble s’essouffler depuis quelques années, la France a l’occasion, en portant ce projet d’organe éthique au niveau européen accompagné d’un mécanisme de sanctions efficace, de faire progresser la culture de l’éthique dans la vie des affaires et dans la vie politique.

La France doit également être un leader de la transparence au sein du Conseil. Il est trop souvent impossible pour les citoyens de connaître la position exacte de leur pays durant les négociations européennes, ou même de savoir quels représentants d’intérêts leur gouvernement rencontre. La présidence française devrait donc montrer l’exemple en publiant ses positions sur les dossiers législatifs, ainsi que les rencontres que ses ministres, élus et hauts fonctionnaires, peuvent avoir avec des groupes d’intérêts. Cela transcrirait les avancées nationales françaises en matière de transparence de la vie publique dans la sphère européenne, et permettrait d’associer davantage les citoyens à la prise de décision. Pour incarner pleinement ce leadership en matière de transparence, la France doit non seulement inviter l’Union européenne à s’inspirer de son exemple, mais aussi parfaire ce dernier en relançant sa propre dynamique au niveau national.

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