COMMUNIQUÉ | Proposition de loi du groupe Horizons sur le cumul des mandats : Transparency France appelle au rejet d’un texte qui ne prend au sérieux ni le Parlement ni les institutions locales

COMMUNIQUÉ | Proposition de loi du groupe Horizons sur le cumul des mandats : Transparency France appelle au rejet d’un texte qui ne prend au sérieux ni le Parlement ni les institutions locales

Paris, le mardi 12 mars 2024

Le 14 mars, l’Assemblée nationale doit examiner une proposition de loi des députés du groupe Horizons visant, dans le but de renforcer l’ancrage territorial des parlementaires, d’assouplir la stricte limitation du cumul entre un mandat parlementaire et une fonction exécutive locale en rendant possible le cumul d’un mandat de parlementaire avec une fonction d’adjoint au maire ou de vice-président de département, de région ou d’intercommunalité. Dénonçant une initiative nostalgique ne prenant au sérieux ni le Parlement ni les institutions locales, Transparency France appelle au rejet de ce texte en séance publique, dans le prolongement du vote négatif intervenu en commission.

Patrick Lefas, président de Transparency International France, déclare :

« Après l’échec d’une proposition de loi des sénateurs centristes en 2021, la proposition de loi des députés du groupe Horizons propose une nouvelle formule de compromis entre la préservation des avancées de la loi de 2014 et une volonté de donner des gages à certains parlementaires nostalgiques du cumul et de la commodité de la réserve parlementaire.

Dix ans après la loi organique du 14 février 2014 qui a constitué un grand progrès pour accroître la disponibilité des parlementaires, casser les baronnies et limiter la confusion des rôles, des parlementaires proposent de faire machine arrière. Cette proposition de loi n’est bonne ni pour le Parlement ni pour les institutions locales. Nous appelons à son rejet en séance publique, dans le prolongement du vote négatif intervenu en commission »

Cette proposition de loi enfonce un premier coin dans une loi importante qui a marqué la « décennie Cahuzac » et certains parlementaires proposent même d’aller plus loin en permettant aux parlementaires de redevenir maire de communes de moins de 10 000, 15 000 ou 20 000 habitants. D’autres proposent tout simplement d’abroger l’article LO.141-1 du code électoral pour revenir à la situation de 2013.  Au printemps 2013, 59% des députés et 60% des sénateurs exerçaient au moins une fonction exécutive locale.

Dans son étude fondatrice, « La corruption de la République », le chercheur Yves Mény liait le cumul des mandats, singularité française, et « la stratégie du baobab » qui permet à un élu local puissant, de monopoliser le pouvoir et les ressources, assécher la concurrence et réduire les contre-pouvoirs. Cette hypothèse fut testée empiriquement par le chercheur Abel François qui montra que lors des législatives de 1993 les députés-maires bénéficiaient d’une situation politique très avantageuse, le cumul des mandats fonctionnant comme une barrière à l’entrée.

En limitant strictement le cumul des mandats, la loi de 2014 a donc contribué localement au renouvellement du personnel politique, au déverrouillage des institutions locales qui souffraient du poids des notabilités, mais aussi au renforcement de la parité.

Limiter le cumul des mandats dans le temps (trois mandats consécutifs), comme le propose Transparency International France, permettrait de prévenir efficacement la constitution de baronnies qui sont un facteur de risque en matière de corruption.

Le rétablissement du cumul des mandats serait également une régression en matière de prévention des conflits d’intérêts public-public. Devant les citoyens, la crédibilité de l’action publique exige que les fonctions parlementaires ne soient pas détournées à des fins locales ou qu’inversement les collectivités locales ne constituent pas la base arrière d’une carrière parlementaire. Dans les démocraties voisines, le cumul n’existe pas, soit parce qu’il est interdit par la loi, soit parce que les mœurs politiques l’excluent sans avoir à l’interdire.

La réhabilitation du cumul des mandats au nom de « l’ancrage local » ne tient compte ni de la charge de travail des élus locaux ni de celle des parlementaires. La loi de 2014 permet aux parlementaires d’avoir un mandat local en étant conseiller municipal, conseiller départemental ou conseiller régional Comme le disent fort justement les auteurs de la proposition de loi dans l’exposé des motifs : « à être partout, on finit par être nulle part ». Le cumul ne peut fonctionner en pratique qu’avec de larges délégations locales au bénéfice d’hommes-liges ou en ne s’investissant pas dans le travail parlementaire.

Plutôt qu’une loi de régression démocratique, c’est au renforcement des pouvoirs du Parlement qu’il faut travailler tant en matière de vote de la loi que de contrôle de l’action du gouvernement et d’évaluation des politiques publiques. Ces trois missions exigent des parlementaires à plein temps. Tant sur le plan de la disponibilité que pour la prévention des conflits d’intérêts, un encadrement des activités professionnelles annexes semble beaucoup plus urgent qu’un retour arrière sur le cumul des mandats.

En 2018, le gouvernement d’Edouard Philippe avait présenté un projet de loi ambitieux qui visait à inscrire dans la Constitution l’interdiction du cumul entre des fonctions ministérielles et des fonctions exécutives locales. Une loi organique devait même limiter à trois mandats consécutifs le cumul dans le temps. La proposition des lois des députés Horizons choisit manifestement une autre voie.

Nos institutions ne peuvent être réformées efficacement avec une approche parcellaire. En 2022, le Président de la République avait annoncé la constitution d’une commission transpartisane afin de préparer une réforme institutionnelle globale et une révision constitutionnelle viable. L’exécutif et la majorité gagneraient à retrouver le fil de ce projet essentiel pour le renouveau démocratique.


Benjamin GUY, Responsable de la communication et des relations avec les médias

benjamin.guy@transparency-france.org / 06 26 48 54 00


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