Justice / Paradis fiscaux | La présomption de blanchiment a 10 ans. Il est temps que d’autres pays disposent d’un tel outil

Justice / Paradis fiscaux | La présomption de blanchiment a 10 ans. Il est temps que d’autres pays disposent d’un tel outil

Vendredi 15 mars 2024, la Cour de Cassation et Tracfin organisaient un colloque à l’occasion des 10 ans de la création de la présomption de blanchiment, une disposition créée en France par la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013, adoptée à la suite de l’affaire Cahuzac. Convaincu de l’efficacité de cet outil, considéré par les magistrats et les enquêteurs comme une véritable « arme absolue » contre le blanchiment, Transparency International France œuvre à présent pour une diffusion de la présomption de blanchiment dans les autres pays européens. Explications, en attendant la publication des actes de ce colloque par la revue AJ Pénal des éditions Dalloz, dans son édition du mois d’avril.

Dans l’Union européenne, plus de 98 % des avoirs criminels échappent à la saisie et à la confiscation et restent à la disposition des criminels. En cause, les obstacles de la coopération internationale et le manque de moyens des autorités pour démanteler les réseaux criminels. En matière de blanchiment, peut également être cité l’attachement de nombreuses juridictions à la caractérisation de l’infraction d’origine, à contre-courant des standards internationaux. À l’inverse, la justice française peut s’appuyer sur la présomption de blanchiment, instrument innovant permettant de présumer l’illicéité de l’origine des fonds, à charge pour le mis en cause de renverser cette présomption.

La présomption de blanchiment a été créée dans le cadre de la loi du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière. Aux termes de l’article 324-1-1 du code pénal, « les biens ou revenus sont présumés être le produit direct ou indirect d’un crime ou d’un délit si les conditions matérielles, juridiques ou financières de l’opération de placement, de dissimulation ou de conversion n’ont d’autre justification que de dissimuler l’origine ou le bénéficiaire effectif de ces biens ou revenus ».

Ce faisant, le législateur a souhaité s’attaquer aux circuits financiers inutilement complexes et dépourvus de rationalité économique qui ne s’expliquent pas autrement que par la volonté de dissimuler l’origine illicite des biens ou revenus utilisés ou l’identité des bénéficiaires effectifs.



Aux dires des autorités de poursuite, plus qu’une simple règle de preuve, la présomption de blanchiment est « un outil remarquable et révolutionnaire dans la lutte contre le blanchiment des produits du crime, notamment en ce qu’elle n’exige pas de l’accusation qu’elle prouve une infraction préalable ». Avec le mécanisme de présomption, l’origine illicite des fonds est présumée, déduite des modalités d’une opération donnée, sans qu’il soit nécessaire de caractériser les éléments de l’infraction sous-jacente. Si dans les premières années, l’application de la présomption s’est limitée à la découverte d’argent liquide dissimulé aux frontières, l’objectif semble désormais être de s’attaquer à des opérations plus sophistiquées, telles que les montages permettant aux oligarques russes de dissimuler leurs avoirs en France.

Convaincu de l’efficacité de cet outil, Transparency International France œuvre à présent pour une diffusion de la présomption de blanchiment dans les autres pays européens. A cette fin, l’association a également publié en juillet 2023 un court article en anglais présentant l’outil, l’utilisation qui en est faite par la justice française, et les obstacles qu’il permet de dépasser en matière de lutte contre les flux financiers illicites. Transparency France a également publié en juillet dernier dans le Recueil Dalloz, un article revenant sur la genèse et l’utilisation qui est faite de cet outil.


BEATING THE CORRUPTORS AT THEIR OWN GAME: A LOOK BACK AT A DECADE OF IMPLEMENTATION OF THE PRESUMPTION OF MONEY LAUNDERING IN FRANCE

Par Sara Brimbeuf and Esther Bornstein


La présomption de blanchiment d’argent : Une solution miracle pour prendre les délinquants économiques à leur propre jeu ?

Par Sara Brimbeuf et Esther Bornstein, Recueil Dalloz 2023, p. 1371



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