COMMUNIQUÉ | Restriction de l’accès aux registres des bénéficiaires effectifs : la décision de la Cour de Justice de l’UE risque de nous replonger dans le noir et l’ignorance
La Cour de Justice de l’UE, saisie d’une question préjudicielle par un tribunal luxembourgeois, vient de rendre une décision invalidant la disposition de la 5ème directive européenne anti-blanchiment prévoyant que les informations sur les bénéficiaires effectifs des sociétés européennes soient accessibles à tout membre du grand public.
Alors qu’il n’y a jamais eu autant d’argent sale en circulation dans les places financières, cette décision porte un coup à l’une des mesures de transparence financière les plus importantes des vingt dernières années. L’accès de tous aux registres nationaux des bénéficiaires effectifs est indispensable pour une lutte efficace contre le blanchiment et les paradis fiscaux où se cache l’argent issu de l’évasion fiscale, la corruption et le crime organisé.
Sans registres ouverts, l’enquête OpenLux qui a permis en février 2021 de documenter la réalité des avoirs dissimulés au Luxembourg n’aurait jamais vu le jour : à travers cette enquête, le journal Le Monde a pu constater que 45 % des entreprises enregistrées au Luxembourg n’avaient aucune activité économique réelle dans le Grand-Duché, alors qu’elles représentaient 85 % du total des actifs détenus par les entreprises luxembourgeoises (environ 6 500 milliards d’euros d’actifs).
Sans registres ouverts, la capacité des autorités nationales (magistrats, enquêteurs, cellules de renseignement financier) à détecter et enquêter sur les pratiques de fraude et évasion fiscales, blanchiment et corruption sera fortement impactée. En effet, si ces autorités bénéficient d’un accès privilégié à leur registre national, du fait des lenteurs de la coopération internationale elles sont en revanche entièrement dépendantes des modalités de consultation publique pour accéder aux données des registres des autres Etats membres de l’Union européenne.
Sans registres ouverts, Transparency International France n’aurait jamais pu rassembler suffisamment d’éléments permettant le dépôt d’une plainte visant des oligarques russes et proches de Poutine soupçonnés de blanchir de l’argent issu de la corruption à travers l’acquisition de biens immobiliers de luxe en France.
Il est impossible de lutter contre ce qu’on ne voit pas. Les registres des bénéficiaires effectifs européens, et leur ouverture progressive au public en application de la législation européenne, permettent aux journalistes, ONG et citoyens de documenter la réalité des paradis fiscaux intra-européens et l’ampleur des flux financiers illicites transitant par l’Union européenne. La décision de la Cour de Justice de l’UE risque de nous replonger dans le noir et l’ignorance.
Contact presse :
Benjamin GUY / benjamin.guy[a]transparency-france.org / 06 26 48 54 00
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