Ce que signifie la condamnation de Nicolas Sarkozy pour corruption et de trafic d’influence dans l’« affaire des écoutes ».

Ce que signifie la condamnation de Nicolas Sarkozy pour corruption et de trafic d’influence dans l’« affaire des écoutes »

Publié le 08 mars 2021

La condamnation en première instance de Nicolas Sarkozy à 3 ans de prison dont 1 an ferme relance le débat sur l‘impartialité et l’indépendance de la justice française.

En effet, le Parquet National Financier (PNF) concentre les critiques qui entourent ce verdict. Créé par la loi du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, en même temps que la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) et l’Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (OCLCIFF), il s’inscrit dans une politique publique globale de transparence démocratique et de lutte contre toutes les formes de fraudes et d’atteintes à la probité. Selon la communication du Premier Ministre le 10 avril 2013, le procureur de la République financier a été pensé pour « s’attaquer à la racine de la défiance de l’opinion, qui demande des garanties sur l’intégrité de ceux qui exercent des responsabilités politiques et une plus grande efficacité dans la lutte contre la corruption et l’évasion fiscale ». Sa compétence est nationale et limitée à trois catégories d’infractions : les atteintes à la probité [1] , les atteintes aux finances publiques [2] et les atteintes au bon fonctionnement des marchés financiers [3]. La coopération internationale est une dimension essentielle de son action. En 2018, le PNF a adressé 103 demandes d’entraide à ses homologues étrangers. Il a reçu 40 demandes d’entraide.

Pour Transparency France la création du PNF a constitué une avancée majeure dans la lutte contre la corruption en France via la création d’une entité unique, spécialisée et disposant de magistrats et d’enquêteurs compétents. La France à cet égard avait beaucoup de retard par rapport aux USA et au Royaume Uni par exemple. Aussi, bien que jeune, cette institution remplit aujourd’hui pleinement sa mission et occupe une place désormais centrale dans la régulation des affaires de probité dans le domaine commercial (environ 95 % de ses dossiers), ou des affaires dites politiques.

Dans cette « affaire des écoutes », le Parquet national financier a joué son rôle dans une procédure judiciaire qui implique également des juges d’instruction, puis le tribunal correctionnel, appelés à se prononcer sur la base des réquisitions du parquet, autant de garants de l’indépendance de la justice, de son impartialité et du respect des droits de la défense. Rappelons également que la possibilité de faire appel donne la garantie que cette affaire soit jugée sérieusement, sereinement.

Par ailleurs, si l’on en croit un sondage IFOP conduit en septembre 2019 [4], une courte majorité de Français (53%, -2 points depuis 2011) déclare faire confiance à la Justice Française, plaçant cette institution loin derrière les hôpitaux (85 %), l’Armée (83 %), l’Ecole (77 %) ou encore la Police (75 %), mais devant les médias (31 %) et les élus (27 %). Moins d’un Français sur deux considère que les juges sont neutres et impartiaux dans leurs jugements (47 %, -10 points) ou indépendants du pouvoir politique (45 %). Un tiers à peine estime qu’ils prononcent des peines adaptées (34 %, -8 points).

Selon l’AFA, en 2017, 297 infractions relevant du champ des manquements à la probité ont été visées dans les condamnations. Dans quatre cas sur dix, il s’agissait d’infractions de corruption (41,8 %). 24 % concernent des détournements de biens par une personne dépositaire de l’autorité publique, 15 % une prise illégale d’intérêt, 4% un recel, 2,7 % un trafic d’influence et 1 % un acte de concussion.

En 2017, sur les 243 condamnations prononcées pour manquement à la probité à l’encontre de personnes physiques, 161 ont été assorties d’une peine d’emprisonnement (66 %), dont 50 avec de l’emprisonnement ferme (21 %) pour tout ou partie avec un quantum moyen d’emprisonnement ferme en forte hausse 21,7 mois contre une moyenne de 12/13 mois les années précédentes. Cette hausse est due au prononcé de peines d’emprisonnement ferme très élevé pour des condamnations de corruption active et de recel.

Signe que l’impunité des puissants recule en France, nous observons depuis plusieurs années maintenant un nombre croissant de condamnations de dirigeants économiques ou politiques. C’est un changement profond qui traverse la société et qui se confirme ici puisque, pour la première fois dans l’histoire de la République, un ancien président de la République est condamné en première instance à une peine aussi lourde (sous réserve de l’appel bien sûr).

Cette impartialité se retrouve dans les peines requises dans « l’affaire des écoutes ». Les 3 prévenus : un ancien Président de la République, un avocat, un haut magistrat, tous ont été condamnés à la même peine : 3 ans dont un ferme, ce qui exclut la thèse de la justice d’exception.

Les condamnations requises ces dernières années contre des personnalités politiques nationales ou locales dans des affaires d’atteinte à la probité, combinant peine d’emprisonnement ferme et avec sursis, voire peine d’inéligibilité, doivent être entendus comme la volonté de sanctionner les comportements déviants et d’envoyer un signal fort à leurs auteurs présumés, quels qu’ils soient : ces agissements n’ont plus leur place dans la République.

Le prochain rendez-vous judiciaire de Nicolas Sarkozy avec la justice, dans une quinzaine de jours, à l’occasion de l’ouverture du procès Bygmalion, se place dans un contexte radicalement différent, celui du financement de la campagne présidentielle de 2012. La perspective du prochain rendez présidentiel en 2022 donne un écho tout particulier à cette affaire qui est l’occasion d’évoquer enfin le financement des campagnes électorales dont la première d’entre elles, l’élection présidentielle.

Note de l’éditeur

[1] corruption, trafic d’influence, favoritisme, etc

[2] fraude fiscale aggravée, escroquerie à la TVA, etc.

[3] délit d’initié, manipulation de cours, etc.

[4] Source : IFOP en partenariat avec l’Express – L’enquête a été réalisée par questionnaire auto-administré en ligne du 25 au 26 septembre 2019, auprès d’un échantillon de 1 013 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus.

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