La machine à blanchir l’Azerbaïdjan : 1 an après

La machine à blanchir l’Azerbaïdjan : 1 an après où en est la justice ?

En Septembre 2017, un consortium de journalistes d’investigation avait révélé l’existence d’un vaste réseau financier opaque, géré par des élites dirigeantes en Azerbaïdjan. 2,9 milliards de dollars auraient servi à blanchir la réputation internationale du pays, par le versement de pots de vin à de hauts responsables politiques européens. Cela dans le but de dissimuler des informations compromettantes pour le régime en matière de protection des Droits de l’Homme.

En partenariat avec le consortium de journalistes, Transparency International a mené une campagne de mobilisation appelant les autorités compétentes à réagir et ouvrir des enquêtes. Un an après, où en est-on ?

Ces révélations ont secoué Bruxelles et Strasbourg. Au cœur du scandale, le Conseil de l’Europe, une organisation composée de 47 états membres, dont l’Azerbaïdjan, qui se consacre à la défense des droits de l’homme et au respect de l’état de droit. Les journalistes d’investigation de l’OCCRP ont soupçonné plusieurs délégués de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) d’avoir bénéficié de pots-de-vin, notamment des délégués de Belgique, d’Allemagne, d’Italie et d’Espagne.

Transparency International avait demandé l’ouverture d’une enquête indépendante sur les allégations d’achat de voix au Conseil de l’Europe. Dans le même temps, des sections européennes de Transparency dont la France, ont mené une campagne de mobilisation au cours de laquelle des centaines de personnes ont envoyé des lettres à leurs délégations présentes au Conseil de l’Europe pour les inciter à ouvrir une enquête.

Des abus pointés du doigt par les ONG

En 2017, l’Azerbaïdjan ne comptabilisait que 31 points sur 100 à l’indice de perception de la corruption aux côtés du Libéria, du Népal, et du Kazakhstan.

Au moment des révélations, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (ACPE) était en train de finaliser un rapport sur le fonctionnement des institutions démocratiques en Azerbaïdjan qui devait être soumis au vote quelque temps après et qui mettait en lumière le cas d’Ilgar Mammadov, chef de l’opposition azerbaïdjanaise et candidat à la présidence, emprisonné depuis 2013, ainsi que celui de la journaliste d’investigation Khadija Ismayilova.

Ils ont depuis été libérés. Bien qu’il s’agisse d’une évolution positive, selon Amnesty International, 150 personnes ont été incarcérées en 2017 pour des motifs politiques.

Le Conseil de l’Europe Post-Crise

À la suite d’appels de plus en plus nombreux à enquêter sur des allégations, l’APCE a mis en place un organe d’enquête indépendant composé d’anciens juges français, suédois et britanniques, issus principalement de la Cour européenne des droits de l’Homme.

En avril dernier, le rapport d’enquête a été publié faisant état de nombreuses violations des codes de conduite qui auraient mené, dans certains cas, à des actes de corruption.

Toutefois les enquêteurs n’ont pas le pouvoir de contraindre les témoins à témoigner, ou de saisir des preuves, ni même de poursuivre et sanctionner. En juin, sur la base de ce rapport, la Commission du Règlement de l’APCE a exclu 14 anciens membres du Conseil de l’Europe en raison des soupçons d’implication dans ce scandale.

Ces allégations toucheraient huit autres pays : l’Arménie, le Kazakhstan, la Macédoine, Monaco, le Monténégro, la Russie, la Turquie et l’Ukraine. Cependant, faute de temps et de ressources, aucune enquête n’a été ouverte sur ces nouveaux éléments.

Transparency International n’a pas manqué d’interpeler la Présidente nouvellement élue de l’APCE, Liliane Maury Pasquier, lui demandant de prolonger le mandat de la cellule d’enquête afin de poursuivre l’investigation sur les accusations portées contre ces pays.

Quelles conséquences pour les bénéficiaires des pots-de-vin ?

Le rapport de l’enquête contenait suffisamment d’éléments permettant à 18 pays européens de lancer leurs propres enquêtes sur les allégations de corruption, de pots-de-vin et de blanchiment d’argent.

Résolue à suivre cette affaire, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a conclu qu’il incombait aux autorités nationales d’enquêter et de poursuivre en justice les allégations de corruption et d’activités criminelles, et a demandé que les conclusions du rapport fassent l’objet d’un suivi.

Transparency International essaie de déterminer quels pays impliqués ont intenté une action en justice.

Quelles conséquences pour l’Azerbaïdjan ?

Malgré les révélations sur les allégations de corruption au niveau mondial, cela semble sans réelles conséquences pour l’Azerbaïdjan dans ses relations avec l’Europe et la communauté internationale.

En octobre 2017, la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) a approuvé un prêt de 430 millions d’euros pour la construction de la partie azéro-turque du corridor gazier sud (TANAP), un gazoduc appartenant principalement à l’État. En juillet 2018, la BERD a également approuvé l’octroi d’un financement supplémentaire de 500 millions d’euros pour le pipeline Trans Adriatic, qui constituera la partie la plus à l’ouest du même projet. Tout ceci malgré le retrait de l’Azerbaïdjan en mars 2017 de l’initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE) soutenue par la BERD. L’ITIE critiquait le pays en raison des actes de répression de la société civile.

Les négociations sur un nouvel accord de partenariat stratégique entre l’UE et l’Azerbaïdjan visant à approfondir leurs relations économiques se sont poursuivies.

L’Allemagne envisagerait d’accorder à l’Azerbaïdjan un prêt de 1,2 milliard d’euros en faveur de son projet de gazoducs dans le Corridor Sud. En août, la chancelière allemande Angela Merkel s’est rendue à Bakou. Avant la réunion, nous avons exhorté la chancelière à « veiller à ce que ses actions promeuvent et défendent les valeurs européennes et apportent des résultats durables pour la libération des prisonniers politiques et assouplissent les restrictions en matière de financement des organisations de la société civile ». Après la réunion, Mme Merkel a déclaré qu’elle avait eu des « discussions ouvertes » sur la situation des droits de l’homme et le rôle de la société civile en Azerbaïdjan avec son homologue.

Et ensuite ?

Tous les dirigeants en relation avec l’Azerbaïdjan doivent adopter une approche fondée sur les droits de l’homme et interpeler les dirigeants du pays sur le sujet lors de chaque rencontre.

De plus, les politiciens qui auraient bénéficiés de pots-de-vin grâce à ce système de corruption doivent faire l’objet d’une enquête et répondre de leurs actes.

Dans les semaines à venir, nous appelons les autorités nationales et les organisations internationales à agir. À suivre.

Le Consortium Mondial Anti-Corruption

Le système de corruption mondial Azerbaïdjanais est une enquête journalistique à grande échelle et une campagne  réalisée par le Consortium mondial contre la corruption, un partenariat novateur entre journalistes d’investigation et la société civile. En tant que membre du Consortium, Transparency International collabore avec le projet de rapport sur le crime organisé et la corruption (OCCRP) afin de garantir le suivi des affaires de corruption découvertes lors des enquêtes, de responsabilisation des personnes corrompues et de suppression des lacunes dans la réglementation facilitant la corruption.

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