Pour le GRECO, la France doit poursuivre ses efforts pour que la culture de l’intégrité atteigne les plus hautes sphères du pouvoir
Jeudi 13 janvier 2022,
La France doit poursuivre ses efforts pour que la culture de l’intégrité atteigne les plus hautes sphères du pouvoir. C’est le constat que dresse le GRECO (groupement des Etats contre la Corruption du Conseil de l’Europe) dans son dernier rapport sur la prévention de la corruption et la promotion de l’intégrité au sein des gouvernements centraux (plus hautes fonctions de l’exécutif) et des services répressifs.
Si la France n’a mis complètement en œuvre qu’une seule des 18 recommandations formulées il y a 2 ans par le GRECO, son bilan n’est pas catastrophique pour autant puisque la moitié de ses recommandations sont en cours de déploiement
La création de la HATVP et de l’AFA et leur montée en charge respectives, par ailleurs saluées par le GRECO, ont permis la mise en place de nombreuses mesures de prévention des conflits d’intérêts et d’actions de sensibilisation à la prévention de la corruption, notamment auprès de membres de cabinets ministériels. Ces avancées ne sont pas toujours suffisantes pour atteindre les objectifs fixés par les recommandations du GRECO, mais elles témoignent de la progression de la culture de la transparence et de l’intégrité au sein des plus hautes fonctions publiques de notre pays.
Les progrès enregistrés en matière de transparence et d’intégrité peinent néanmoins à atteindre les plus hautes fonctions exécutives de l’Etat : la présidence de la république ne dispose ainsi toujours pas d’une charte de déontologie alors qu’elle devait être achevée en 2021. Ce document est pourtant le pilier essentiel d’une politique de prévention des risques, indispensable pour les collaborateurs de l’Elysée qui occupent les fonctions parmi les plus sensibles et exposées de l’Etat. De la même façon, le rapport de conformité regrette que seuls deux ministères disposent à ce jour d’un code de conduite actualisé.
Nous nous associons donc au GRECO pour regretter que ce quinquennat qui s’achève n’ait pas été l’occasion de diffuser et de partager plus largement une culture de l’intégrité. Un second point de préoccupation partagé est l’absence de progrès de la France en matière de transparence des liens de l’exécutif avec les représentants d’intérêts. La Loi Sapin II a amélioré la transparence du lobbying par la création d’obligations déclaratives pesant sur les représentants d’intérêts, notamment pour les contacts pris à l’initiative des lobbyistes auprès des membres du Gouvernement, des cabinets ministériels, des collaborateurs du Président de la République ou des personnes titulaires d’un emploi à la décision du Gouvernement. Le GRECO déplore néanmoins, comme Transparency International France, des limites à cette transparence.
D’abord la limite réglementaire du critère de l’initiative, qui exempte de déclaration les communications qui sont initiées par le décideur public auprès du lobbyiste. La justification adressée par la France au GRECO sur ce point apparait peu convaincante : la suppression du critère de l’initiative serait susceptible de « créer un obstacle aux relations entre les responsables et la société civile ». L’opacité est au contraire un frein pour la majorité des acteurs de la société civile, et elle ne bénéficie qu’aux groupes d’intérêts les mieux insérés dans le processus de décision publique.
Ensuite la limite législative qui exempte d’obligation de déclaration les communications d’un lobbyiste auprès du Président de la République, d’un membre du Conseil d’Etat ou du Conseil constitutionnel. Ces décideurs publics jouent pourtant un rôle essentiel dans l’élaboration de la loi et du règlement, et ils consultent régulièrement des représentants d’intérêts avant de fixer leur décision.
Tout comme Transparency International France, le GRECO recommande que les personnes exerçant de hautes fonctions exécutives soient tenues de faire rapport publiquement et à intervalles réguliers, des représentants d’intérêts rencontrés et des thématiques discutées. La réponse formulée par la France apparait là aussi peu convaincante, ce travail susciterait « une charge importante sans que cela n’accroisse significativement la transparence sur l’action des représentants d’intérêts ». Pourtant, cette information existe déjà en interne pour certaines fonctions exécutives, mais n’est pas diffusée(voir la nouvelle charte de déontologie qui impose aux conseillers d’Etat de déclarer leurs rencontres avec des lobbyistes auprès de leur supérieur) ou alors seulement de façon incomplète (voir les agendas des ministres disponibles en open data).
Enfin, Transparency France ne peut que rejoindre le constat du GRECO sur l’absence regrettable d’avancée sur le statut du Parquet en France, qui ne peut encore s’assurer d’une indépendance réelle vis-à-vis du pouvoir politique. Il s’agit là d’un prérequis indispensable à un fonctionnement optimal de l’appareil de lutte contre la corruption. A cela s’ajoute une nécessaire augmentation des moyens humains et financiers des juridictions spécialisées, sans laquelle la délinquance en col blanc ne pourra être poursuivie et punie efficacement.
Alors que l’évaluation parlementaire de la loi sapin II menée durant l’été 2021 avait fait émerger un consensus sur la nécessité de combler ces insuffisances sur la transparence du lobbying, une réforme avant la fin du mandat semble compromise. Il en va de même pour la conduite d’une politique globale de prévention de la corruption au sein de l’exécutif. Il est donc indispensable que ces deux sujets figurent à l’agenda du début du prochain quinquennat, afin de respecter le délai de 18 mois accordé à la France par le GRECO pour atteindre un niveau acceptable de conformité avec ses recommandations.