Les ONG écrivent aux eurodéputés pour réclamer un projet d’autorité éthique ambitieux
Publié le 19 mai 2021
Un organe d’éthique indépendant de l’UE qui n’est pas en mesure de sanctionner les infractions ou de lancer des enquêtes est totalement dépourvu de valeur. La société civile ne soutiendra pas davantage de réformes éthiques de façade. C’est ce que les ONG Transparency International Europe, Transparency International France, Transparency International Allemagne, Access Info, Alter-Eu, Les Amis de la Terre, Corporate Europe Observatory,Lobby Control et The Good Lobby ont rappelé dans une la lettre ouverte adressée au député européen et rapporteur Daniel Freund ainsi qu’aux eurodéputés « shadows rapporteurs » Gilles Boyer, Leila Chaibi, Włodzimierz Cimoszewicz et Rainer Wieland.
Voici une traduction française de cette lettre ouverte :
Bruxelles, le 18 mai 2021
Chers membres,
Nous, les soussignés, sommes des organisations de la société civile qui plaident activement pour une plus grande transparence, intégrité et responsabilité au niveau de l’UE. Nous vous écrivons cette lettre pour vous faire part de notre plus grande inquiétude quant à l’état actuel des négociations du rapport d’initiative de la commission des affaires constitutionnelles sur la création d’un organe indépendant d’éthique de l’UE.
Les scandales éthiques impliquant des fonctionnaires élus et non élus des institutions européennes ont constamment mis en évidence l’incapacité du système d’autorégulation actuel à faire respecter les codes de conduite et les normes éthiques. Les scandales récurrents liés aux conflits d’intérêts, aux activités extérieures, au non-respect des délais de réflexion, témoignent d’un grave manque de contrôle et de responsabilité qui porte atteinte à la réputation des institutions, du personnel et des décideurs de l’UE. L’autosurveillance des institutions a abouti à un système dépourvu de sanctions pour les manquements à l’éthique impliquant des commissaires anciens et actuels ainsi que des députés européens. Par exemple, au cours des cinq dernières années, 27 députés européens ont fait l’objet d’une enquête pour manquement à l’éthique et, bien que certains d’entre eux aient été reconnus coupables de manquements à l’éthique, aucune sanction n’a été prise. C’est pourquoi nous avons salué l’annonce de la création d’un organe éthique indépendant commun à toutes les institutions de l’UE dans les orientations politiques de la présidente Von der Leyen en 2019.
Nous pensons que la création d’un organe d’éthique indépendant de l’UE est nécessaire pour garantir un système légitime de contrôles et d’équilibres qui soit à la hauteur des meilleures pratiques internationales de bonne gouvernance. Pour remédier correctement aux lacunes actuelles du cadre éthique de l’UE, un tel organe doit répondre à trois critères. Il doit :
1. Avoir le droit d’engager des procédures et de mener des enquêtes sur tous les cas de violations réelles, perçues ou suspectées des règles éthiques, sur la base des informations qu’il a acquises par sa propre surveillance ou qu’il a reçues de tiers.
2. Avoir le pouvoir de prendre des décisions contraignantes dans le cas des membres du personnel. Dans le cas des commissaires, ces décisions ne peuvent être renversées que par un vote à la majorité du Collège. Dans les cas impliquant des membres du Parlement européen, ces décisions ne peuvent être renversées que par un vote à la majorité en plénière.
3. Remplacer tous les autres organes d’éthique au niveau de l’UE responsables du personnel, des commissaires et des membres du Parlement européen. Cet organe devrait être complémentaire des autres autorités de surveillance et d’exécution, telles que le Médiateur européen et l’Office européen de lutte antifraude (OLAF), car toutes auraient des mandats distincts et séparés.
La création d’un nouvel organe d’éthique européen sans ces éléments fondamentaux ne serait pas efficace pour prévenir de futurs scandales. Nous sommes donc alarmés de constater que les propositions actuellement sur la table n’abordent aucun de ces points essentiels. Au contraire, elles ne feraient que créer un autre tigre de papier.
Nous ne pouvons pas soutenir la proposition telle qu’elle est présentée. Nous vous demandons instamment de reconsidérer votre approche.
Cordialement,